ciel sombre. ciel d'orage. tes yeux se cristallisent sur une jeune femme en face de toi. sa mine est sombre bien qu'elle arbore un sourire flamboyant. elle arbore une cicatrice immense, allant de l'épaule au coude. toutes tes cicatrices sont invisibles, et pourtant connues de tous. "t'as pas peur d'être mal vu en v'nant ici ?" elle te regarde en souriant, mais ses yeux son sérieux. tu te balances sur ta chaise, plaquant ton dos contre celle-ci, les bras croisés. "je suis mal vu de toute façon." tu lâches ces mots avec amertume. tu seras toujours mal vue, tant que tu resteras à trois rivières. innocentée après un procès acharné qui t'as coûté presque deux ans de ta jeunesse, ta raison te crie, te hurle, te supplie, te t'en aller de cette ville. mais tes tripes te retiennent. dernier semblant de courage qui te reste pour affronter le monde. t'es plus autant la bienvenue qu'avant (si un jour seulement l'as-tu été, vous, la famille aux yeux bridés) mais tu gardes la tête haute, persuadée de réaliser un objectif pour le bien commun, plus important que ton bonheur. sonnette virulente qui signale la fin des visites. quelques secondes seulement, tu te permets une accolade avec celle qui a partagé ta cellule et ta vie le temps de retrouver la liberté. tu la regardes s'éloigner, le regret d'avoir le droit de ressortir, toi. l'effervescence des visites diminue peu à peu, et tu te retrouves presque seule sur le parking de la prison. une furieuse envie d'une cigarette. mais tu ne fumes pas. souffle énervé. t'as des fois l'impression d'avoir plus t'as place derrière les barreaux qu'à l'extérieur, et cette pensée t'agace.

magnétisme.
tes yeux se perdent sur une silhouette brune, à peine plus grande que toi. tu la connais. que trop bien, et pas assez à la foi. timidement, tu avances. t'es pas certaine de ce que tu veux faire, mais ta langue se délie par elle-même. "excusez-moi, madame tremblay ?" à quelques pas de toi, la silhouette s'arrête. toi avec. et maintenant ?

si tes visites à la prison de la ville sont relativement rares, elles ont une importance cruciale pour toi puisqu'elles te rappellent la raison pour laquelle tu fais ton job. que ce soit parce que tu vas y voir une personne coupable que tu es contente d'avoir éloigné des rues ou alors pour assister à la libération de quelqu'un de réformé tu essaies toujours d'y trouver du positif. aujourd'hui, tu ne vois rien d'autre qu'un rappel de la chance que tu as d'être libre de pouvoir sentir les rayons du soleil sur ta peau, d'attendre avec excitation l'arrivée de la chaleur de l'été - synonyme pour toi de fêtes entre amis sur la plage et de week-end en maillot de bain à bronzer allongée sur le sable et non de suffocation totale dans une cellule miniature et surpeuplée. évidemment que c'est aussi une occasion pour toi de voir des têtes connus comme celle de camille que tu n'as que rarement le plaisir de voir en dehors de ces murs. sauf qu'avant que tes pas aient pu te mener jusqu'à l'entrée principale, tu entends quelqu'un t'interpeller et tu te retrouves à scruter le parking du regard pour identifier la personne en question. tu ne parviens pas à cacher ta surprise quand tu reconnais le visage de soojin wang dont l'affaire te reste encore parfaitement en mémoire. bonjour ! qu'est-ce que tu fais par là ? tu demandes, sans même réaliser que tu la tutoies, comme tu l'avais fait à l'époque où son âge justifiait amplement un tel choix. quand tu te rends compte de cela, tu décides de ne pas te corriger et d'éviter de faire tout un foin pour rien. par contre, tu optes pour une question complémentaire qui te donne moins l'impression de lui faire subir un interrogatoire. ça faisait bien trop longtemps que je ne t'avais pas vue. tu vas bien ?

il y a quelques temps encore, ta vie était comme un champ de mines. tout pouvait exploser à n'importe quelle seconde, au moindre faux pas. tiraillée entre l'envie plus forte que tout de t'en sortir, de te libérer de la prison et de ces accusations, et cette peur immense de te sentir bien trop seule. tu l'avais été durant cette année et demie écoulée, et à la fois pas du tout. tu avais reçu du soutien inattendu d'autres victimes qui prenaient ta situation pour une fatalité qui ne devrait arriver à personne. tu avais aussi eu des alliés, tels que ton avocat, le détective privé qui travaillait sur ton cas, et même plus étonnant, izzie tremblay. un soutien caché, du camp adverse. il y a des jours où tu ne comprenais pas pourquoi elle avait voulu t'aider, au détriment de sa propre affaire et de son propre combat. les limites étaient sûrement floues pour plus d'une personne dans ton histoire. toi la première. plongée à jamais entre la culpabilité d'avoir ôté la vie, et ce sentiment sacré qu'il y avait rien d'autre à faire que ça. "je visitais une amie." tu répondais avec hésitation. connaissance était trop large, mais avoir une amie en prison pouvait sembler bizarre pour une personne normale. "j'ai quitté la ville pour montréal." tu avais tenté de toutes tes forces et de tout ton courage de rester à trois-rivières. mais la vie devenait trop lourde, et la peine ne faisait qu'enfler. tu n'étais plus la bienvenue dans la ville qui t'avait vu grandir. tu t'étais finalement résolue à voir la vérité en face et à rejoindre montréal. "je vais bien. j'ai un boulot de serveuse et en parallèle je suis à l'école de police." parce que malgré tout, ton objectif n'avait pas changé, seulement la ville. tu auras peut-être un impact plus large dans une plus grande ville. "je n'ai jamais eu l'occasion de vous remercier, pour mon procès." tu chuchotais cette dernière phrase, regardant autour de toi. mais vous étiez bien seule toutes les deux, sur ce parking qui te paraissait immense.

Spoiler:

tu ne peux t'empêcher d'être soulagée en entendant la raison de la visite de soojin. tu as craint un instant d'avoir manqué son dossier et qu'elle ait eu a passer quelques jours derrière les barreaux. en même temps, tu te demandes quels genres de fréquentations elle a pour que ses amis finissent en prison, mais tu décides de ne pas te mêler de cela. déjà parce que tu vois mal en quoi cela te concerne après toutes ces années sans vous parler. ensuite, parce que les raisons peuvent être nombreuses et qu'une amie en prison n'est pas forcément le reflet de mauvaises décisions de la part de la demoiselle. tu hoches simplement la tête, ne sachant pas trop quoi répondre d'autre et craignant d'aborder le sujet si c'est à toi qu'elle doit sa présence ici. soojin t'explique ensuite avoir quitté trois-rivière pour montréal et tu lui dis l'occasion parfaite de prendre un nouveau départ ! ça te plaît ? tu n'as pas le moindre doute sur les difficultés éprouvées par la demoiselle en restant en ville après toutes les épreuves qu'elle a traversées ici. tu lui demandes si elle va bien et tu es extrêmement surprise de l'entendre te parler d'un job de serveuse en parallèle à l'académie de police. quelle chance ils ont de t'avoir. enfin pas tout de suite, mais ils s'en rendront vite compte quand tu sortiras de l'académie ! aucune hypocrisie dans tes propos, tu penses réellement qu'elle fera un très bon agent de police - si elle ne cherche pas à graver les échelons. et le bar, ça te plaît ? c'est pas trop malfamé, tu n'y fais pas encore d'arrestation ? t'es curieuse d'en savoir plus. elle te surprend quand elle te remercie soudainement pour ton aide lors de son procès et tu réponds tout aussi calmement avec plaisir.

Spoiler:

c'était une situation étrange, et peu habituelle, d'avoir de bons souvenirs de ton procès. s'il avait été compliqué, acharné, et aurait pu détruire tout ton avenir (en plus d'avoir un passé que tu voulais taire jusqu'à ta mort), tu avais découvert des alliés aussi nombreux que des ennemis. ton histoire n'était pas commune, et pourtant, elle impactait beaucoup plus de personne que juste ta famille et toi. chaque victime pouvait revoir un peu de leur vie, de leur souffrance, de leur combat, en toi. c'était à la fois un honneur et une responsabilité. mais tu étais bien décidée à n'en tirer que le positif. il le fallait. pour ton bien, pour ta survie. c'est avec ce même raisonnement, que tu avais dit adieu à la ville qui t'avait tout donné et tout pris, et que tu avais rejoins montréal. dans la crainte d'abord, et finalement, avec un enthousiasme qui faisait un nouveau briller tes yeux noirs. "tout à fait ! oui, c'est une très belle ville, et beaucoup plus grande qu'ici, donc je peux enfin me dissimuler parmi les autres, et souffler." être une inconnue, une anonyme, un plaisir retrouvé que tu chérissais. les mains moites, croisées dans le dos, tu souriais en entendant izzie aussi confiante en ton futur de policière. "oh, vous le pensez vraiment ?" répondant au tac au tac. flattée de cet encouragement, tu en avais eu très peu en commençant l'académie de police à trois-rivières. "la bar, ça paie les factures pour l'instant, mais c'est un bon moyen de faire de nouvelles rencontres." tu acquiesçais de la tête en même temps. tu changerais peut-être bientôt de petit boulot, les horaires te fatiguant plus qu'autre chose. difficile de tout gérer. tu tentais tant bien que mal de ne rien lâcher. une battante, toujours. "j'ai pas encore eu l'occasion d'être sur le terrain, mais j'ai si hâte de vraiment me sentir utile !" c'est le coeur qui parlait. tu ne désirais qu'une chose : faire de ton passé une raison d'avancer, et d'aider à ton tour.

tu comprends parfaitement ce que soojin veut dire quand elle parle d'avoir la possibilité de se dissimuler dans montréal. même si trois-rivières est une ville passablement grande et que tout le monde n'habite pas sur la même rue comme dans certains petits patelins, tu sais bien qu'il est impossible d'y être anonyme. quand tu as perdu ta soeur, des inconnus t'adressaient des sourires de compassion dans la rue sans que tu aies la moindre idée de leur identité. même s'ils avaient de bonnes intentions, cela t'agaçait fortement de penser que ces gens dont tu ne savais rien connaissaient le détail le plus douloureux de ta vie. je vois ce que tu veux dire.. tu réponds simplement, n'ayant pas envie de t'attarder plus longuement sur cet aspect de son déménagement et supposant qu'elle non plus. tu vis seule ? t'as trouvé un appart sympa ? tu demandes avec un sourire. vous discutez ensuite de sa future carrière et tu indiques clairement ton approbation pour son choix. elle semble flattée que tu sois si enthousiaste à ce sujet. évidemment ! tu dis, sans même avoir besoin d'y réfléchir une seule seconde. tu lui poses ensuite quelques questions sur son activité parallèle et elle t'explique que c'est surtout un moyen de payer les factures et de ne pas être endettée à la fin du mois. tu ris un peu. soojin t'expliques aussi qu'elle y fait des rencontres sympa et tu t'exclames il faut croire que t'es bien tombée si tu peux bosser tranquillement et même rencontrer des personnes pas trop bizarre. j'ai souvenir de soirée à montréal à me demander s'il y avait des gens normaux à proximité, mais il faut croire que mes amies étaient responsables de cela. puis tu ris de bon coeur. soojin n'a pas encore pu travailler sur le terrain, mais tu sens bien qu'elle s'en réjouit. encore quelques mois et tu seras sur le terrain accompagnée, non ? il me semble que vous finissez votre formation dans la vraie vie.. tu lui demande songeuse.

rares sont ces moments où tu peux être toi-même, et parler tranquillement sans avoir peur, quand tu te trouves à trois-rivières. tu t'en rends plus compte que jamais, maintenant que tu as quitté la ville. ce qui était devenu ton quotidien -les regards, les chuchotements, les commentaires- ne l'étaient plus. tu pouvais enfin te concentrer sur toi-même, et être heureuse de ce nouveau destin qui apparaissait devant toi. tu regardes izzie, essayant de comprendre sa réponse, comme si elle partageait, ou avait partagé, ce sentiment. mais sachant bien que ce sont des choses qu'on veut laisser enfouies, tu ne demanderas pas plus d'informations. "pour le moment oui, j'ai trouvé un studio sympa. j'espère bientôt avoir de quoi déménager et pouvoir vivre avec ma petite soeur." heejin, qui t'attend depuis le jour où tu as été incarcérée. heejin qui a été ton calme, ton sang-froid, et ton soutien le plus précieux. ton seul but c'est de lui offrir enfin un vrai foyer. tu te bats pour elle autant que pour toi. "j'ai pas encore eu l'occasion de vraiment visiter la ville, mais je vous crois là dessus ..." tu ris, certaine que des rencontres hasardeuses et inoubliables avec des spécimens de montréal t'attendent dans le futur. tu n'attends que ça. des moments percutants, mais pour lesquels tu te souviendras en riant. tu as peu de souvenir comme ça dans ta vie, et il est grand temps d'en créer. "oui c'est ça, d'ici mars prochain je devrais commencer ma formation sur le terrain. ça n'aura rien de bien glorieux au début, mais j'ai tellement d'ambition pour évoluer, que ça en vaudra le coup." la vie de flic débutant n'a rien de palpitant. des contraventions, des patrouilles sans intérêt, et beaucoup d'administratif. mais tu sais vor plus loin, beaucoup plus loin, jusqu'à l'unité spéciale en charge des violences sexuelles, là est ton but ultime. "et pour vous tout va bien ?" tu te permets cette familiarité, alors même que vos discussions n'ont jamais été aussi longues que maintenant. mais ce sera peut-être la dernière fois que tu verras izzie, et elle gardera toujours une place de sauveuse de l'ombre pour toi.

tu ne sais pas si tu es étonnée de savoir que soojin vit seule pour le moment ou si c'est simplement le fait que tu préférerais la savoir constamment entourée d'amour qui te fait t'arrêter sur ce fait. quoi qu'il en soit, tu apprécies d'entendre la fin de sa phrase quand elle t'explique que trouver quelque chose pour cohabiter avec sa petite soeur est son souhait. ce serait vraiment chouette pour vous de pouvoir à nouveau être les deux ensemble après toutes ces histoires. tu n'en dis pas plus puisque tu ne sais pas si tu as raté un épisode dans ses déboires. si des fois ça devait être le cas, la demoiselle n'a sûrement pas besoin que tu viennes remuer le couteau dans la plaie en parlant plus longuement de ce sujet. à la place, tu mentionne la chance qu'elle semble avoir au niveau de son expérience avec les montréalais. elle te répond simplement ne pas tellement avoir eu l'occasion de visiter la ville et tu comprends parfaitement cela au vu de sa situation de jeune travailleuse. j'espère que ce sera bientôt le cas parce que si on ignore les habitants c'est vraiment une ville merveilleuse ! tu dis en riant, puisque tu n'es pas réellement aussi catégorique au sujet des habitants de sa ville et que tu veux qu'elle le sache puisqu'elle prévoit d'y faire sa vie. tu évoques avec elle l'avenir de sa formation et la proximité de sa formation de terrain qui doit d'abord se faire avec une certaine compagnie. elle te concède que ce n'est que peu glorieux, mais qu'elle compte bien évoluer par la suite et ne pas rester simple surveillante de feu de circulation. je n'ai pas le moindre doute que tu peux finir à la tête de la police de la capitale si c'est dans tes intentions. t'as l'impression que rien ne peut l'arrêter et c'est parfois même une source d'inspiration pour toi. elle te questionne d'ailleurs pour savoir un peu ce qu'il en est de ton cas. oh.. rien de très spécial. tu dis en ayant vraiment l'impression que tu ne tiens pas la comparaison avec son évolution si radicale.