tu sais même pas pourquoi t'es là. - en fait si - te sortir un peu la tête du cul, prendre l'air, profiter d'une belle journée. t'as entendu parlé du festival, comme tout le monde. t'es pas du genre à tenter l'diable mais tu t'dis que c'est un bon exercice. sans alcool, t'as envie d't'en faire la promesse. tu as pris tes fonctions récemment et, pour l'heure, t'as l'sentiment de plutôt bien gérer les tremblements et l'manque. ça t'paraît déjà loin derrière toi mais l'odeur quotidienne du whisky n'aide pas.
alors t'voilà, aux portes du festival.
comme beaucoup d'participants, t'as ton maillot d'bain sur toi. la chaleur frappe tes épaules, l'débardeur que tu portes t'donne une allure presque rachitique. t'as perdu du poids, forcément, t'as perdu du muscle. parfois, tu r'tombes sur de vieux clichés et tu t'dis qu'l'alcool n'a fait qu'empirer les choses. en revenant d'australie, t'étais bien foutu. aujourd'hui, t'as presque la peau sur les os, le visage creusé et des cernes si grosses qu'on pourrait penser que tu t'es fait frapper - c'est pas entièrement faux. - si la vie pouvait cogner, ça s'rait sans doute à ça qu'ça ressemblerait.
t'as la clope au bec, les yeux derrière d'épaisses lunettes. t'avances, seul. tu connais pas grand monde, à l'époque où t'habitais ici, tu traînais les bars et passais ton temps à boire. c'est pas simple d'être sobre, quand tous tes amis l'ont jamais été. t'avances, tu r'gardes un peu autour d'toi. quand tu vois l'prix d'une bouteille d'eau au premier stand, t'hésites presque à commander un cocktail. finalement, tu te jettes sur des friandises quand tu sens une main sur ton épaule. tu t'retournes et tes yeux s'plantent dans ceux d'ta cousine. (jo..) la fille d'ta tante, celle que t'avais déjà croisée plusieurs fois à l'époque où t'étais par ici. celle qui n't'a connu qu'à l'envers, défait, bourré. et puis, surtout, celle à qui t'as pas annoncé ton retour. (merde.. tu m'as fait peur.) tu lui dis sans sourire.

t'adorais l'ambiance qui régnait lors du festival de trois-rivières. t'avais forcément eu envie d'y mettre les pieds pour venir un peu t'éclater. danser au rythme des différents concerts qui avaient lieu sur la grande scène. profiter de voir du monde, de boire quelques verres. t'avais clairement envisagé des tas de scénarios pour cette journée. t'avais clairement pas imaginé par contre que tu allais tomber sur lui aujourd'hui. t'avais d'ailleurs regardé à deux fois avant de poser ta main sur son épaule. parce que ça te semblait tout bonnement impossible que ce soit lui. mais à moins qu'il existe un sosie de dasaret zela dans ce monde, c'était bel et bien lui que tu observais actuellement. la surprise de le voir ici passée, tu déposais à présent ta main sur son épaule afin de pouvoir démarrer le contact avec lui. tu ne doutais pas qu'il serait tout autant surpris de te voir. quoi que... lui devait se douter qu'en se trouvant à trois-rivières, il risquait de te revoir. alors que de ton côté, tu ne t'attendais pas du tout à ça puisqu'il ne t'avait clairement pas averti de son retour ici. jo.. merde.. tu m'as fait peur. il commence par te dire alors que tu ramenais doucement ta main le long de ton corps et que tu plongeais ton regard dans le sien. pardon, c'était pas le but.. tu commences par lui dire avant de rajouter, je suis un peu.. surprise de te voir ici. tu lances. forcément, tu ne t'attendais pas à son retour. surtout, tu ne pensais pas qu'il ne te préviendrait pas du tout. ça te décevait un peu pour le coup. ça fait longtemps que t'es revenu ici ? tu rajoutes ensuite. et tu espérais pour lui que c'était récent, parce que tu le prendrais d'autant plus mal si cela faisait un moment qu'il arpentait les rues de trois-rivières.

elle, personne d'autre. ta cousine. c'est un choc, c'est sûr. mais la surprise passée, il y a tous les souvenirs qui te reviennent. comme si ça n'avait jamais vraiment pu s'évaporer d'ton esprit, à l'inverse de tout l'alcool que ton corps a ingurgité depuis que t'es en âge de te commander un whisky au bar. ton regard vacille, vrille un peu, se veut hésitant. t'as eu peur, c'est vrai.
mais pas que..
t'es s'coué, faible, comme à chaque fois que quelqu'un t'aborde. tu t'demandes si on t'regarde encore comme un déchet ou si on a toujours un peu d'estime pour toi. tu sais pas trop sur quel pied danser, jamais. tu t'habitues mal à c'nouveau corps, cette nouvelle vie. ça t'dépasse, parfois. (pardon, c'était pas le but..) elle te dit calmement avant d'ajouter (je suis un peu.. surprise de te voir ici.) évidemment, puisque tu ne l'a pas prévenue. quel con, tu souffles sans rien dire. t'aurais dû, tu l'sais, mais t'as pris tes distances avec ton entourage. quand t'as quitté trois-rivières pour brooklyn, t'as fait d'ton mieux pour les tenir à l'écart d'tes problèmes. t'avais déjà assez fichu l'bordel comme ça. (ça fait longtemps que t'es revenu ici ?) tu prends une seconde pour réfléchir sachant pertinemment que ta réponse ne lui fera pas plaisir. tu s'coues tes mèches frisées sans la quitter du regard. (non pas tant que ça..) tu commences par lui dire, t'essaies même un sourire mais l'approche reste hésitante. t'as perdu ton estime, au fond, c'est peut-être ça l'problème. (j'ai accepté un boulot dans l'coin, j'ai commencé il y a une quinzaine de jours environ.) tu expliques sans sourciller. tu sais que t'aurais dû la prévenir, comme t'aurais dû prévenir les autres. mais quand t'avais compris que kira était partie, tu t'étais d'mandé si ton retour était une bonne idée. (j'aurai.. j'suis désolé d'pas t'avoir prévenu jo.) mais ça n'excuse pas grand chose.

t'avais clairement eu de la peine à le croire au départ. pourtant, c'était bien ton cousin dasaret qui se tenait ici, dans les rues de trois-rivières. t'avais espéré te tromper sur la personne en déposant ta main sur son épaule. tu supposais qu'il s'agissait simplement d'une personne qui ressemblait fortement à dasaret, c'était une explication beaucoup plus plausible pour toi que le fait que ton cousin se trouve ici en ville. pourtant, il te reconnaît immédiatement, il est surpris. tout comme toi, mais pas pour les mêmes raisons. et puis, tu poses la question qu'il ne faudrait sans doute pas. t'es persuadée que la réponse ne te plaira pas, peu importe ce qu'on te dira. non pas tant que ça.. il commence par te dire. t'attends un peu plus de détails. t'attends de savoir ce que pas tant que ça veut vraiment dire pour lui. alors que tu sais pertinemment que même s'il te répond un seul et unique jour, tu le prendras quand même mal. te disant qu'il aurait pu t'écrire avant de débarquer à trois-rivières. j'ai accepté un boulot dans l'coin, j'ai commencé il y a une quinzaine de jours environ. une quinzaine de jours. t'es prête à te montrer un peu piquante. à lui faire une remarque qu'il prendra sans doute mal. mais tu t'abstiens parce qu'il rajoute déjà, j'aurai.. j'suis désolé d'pas t'avoir prévenu jo. tu croises doucement les bras sur ta poitrine et tu laisses échapper un petit soupir. tu voudrais l'engueuler et puis finalement tu lances, t'en fais pas. t'es pas forcément convaincante mais tu te dis que ça ne servirait à rien de l'engueuler pour ça. tu vas rester ça veut dire ? comment ça se fait que t'as quitté brooklyn ? tu veux des détails à présent, forcément.

tu t'en veux, c'est comme ça. tu passes ton temps à t'en vouloir. t'es une épave, dasaret. t'es pas assez fort pour cette vie-là et pourtant, tu l'affrontes du mieux que tu peux. en voyant jo devant toi, tu réalises que t'as encore manqué à tes obligations. non seulement t'as abandonné kira derrière toi mais ta famille, également. le peu qu'il t'en reste, tout du moins. ta tante, sa fille. t'étais proche d'elles, jusqu'à ce que tu déconnes. et puis, tu les avais retrouvées, petit à petit. t'étais ravi d'leur présence, jusqu'à ce matin où, comme un con, t'avais fait tes bagages pour brooklyn.
et puis ? t'es revenu, mais t'as pas pensé à elle. connard tu te souffles, tout seul. tu la regardes, tu t'excuses, tu sais pas faire autrement. t'as l'sentiment de passer ton temps à n'faire que ça, demander pardon. pourtant, t'es plus alcoolique, n'est-ce pas ? tout du moins, tu fais d'ton mieux en ce moment. tu souffles, tu soupires. elle te regarde, elle a quelque chose qui change dans l'fond des yeux et finalement, elle te dit (t'en fais pas.) c'est ce qu'ils font tous, au fond. te pardonner. parce qu'ils voient bien que tu n'vaux pas grand chose, que tu n'es rien. que tu t'es perdu en chemin comme tu les as tous perdus en route. ils t'excusent parce que tu n'aspires qu'à ça. (tu vas rester ça veut dire ? comment ça se fait que t'as quitté brooklyn ?) tu ravales ta salive, difficilement. (je.. je vais rester, oui.) et puis, tu n'oses pas répondre au reste, tu éludes. tu préfères lui demander (ta mère va bien ?) innocemment, sans doute, mais pour ne surtout pas souffrir encore.

t'avais pas envie de lui en tenir rigueur. tu supposais que vous aviez tous vos petites vies. des histoires parfois plus compliquées que d'autres et qui font que les gens s'éloignent. pour finalement se retrouver, quelques temps plus tard. t'aurais préféré que ton cousin te prévienne plus tôt de son retour, mais à présent ça te semblait totalement inutile de le réprimander à ce sujet. il était là, soit. c'était le moment de prendre de ses nouvelles, de s'assurer que tout va pour le mieux pour lui. tu le questionnes sur le fait de rester ici à trois-rivières et les raisons qui l'ont poussé à quitter brooklyn. ça semblait la base à savoir, finalement. tu ne pouvais pas cacher que ça t'étonnait d'une certaine manière que le jeune homme soit parti. je.. je vais rester, oui. tu affiches un sourire en coin. t'étais contente de le retrouver ici, même s'il a cherché à te le cacher. alors oui, ça te faisait sourire de savoir qu'il allait rester. tu attendais la suite de la réponse pour dire quelque chose, mais il enchaîne par une question. évitant volontairement la fin de ta question. ta mère va bien ? tu croises doucement les bras et tu réponds, oui, ma mère va bien. mais je crois que tu évites une de mes questions, dasaret. qu'est-ce qu'il se passe ? tu t'inquiètes, oui. tu t'inquiètes toujours pour lui. tu voulais t'assurer que tout allait pour le mieux pour le jeune homme, mais tu voyais bien que tout était relativement compliqué pour lui. comme toujours. le fait qu'il décide d'éviter cette question en était une nouvelle preuve et tu comptais bien ne pas le laisser s'en sortir si facilement. il sait comment tu es de toute façon. tu n'es pas du genre à baisser les bras très facilement.

t'éludes.
tu n'fais que ça en ce moment. éviter soigneusement de parler d'toi. pourquoi ? parce qu'il n'y a rien à dire. rien de bien intéressant. t'es revenu à trois-rivières avec la promesse d'un job qui est parti en fumée le jour où cet incendie à la con s'est déclaré. l'entreprise a disparu, son patron aussi et avec elle tes maigres espoirs de rédemption. pourquoi tu restes ? peut-être parce que plus rien ne te retient ailleurs. tout a été trop vite, bien trop pour que tu l'aies complètement réalisé. t'es pas de retour depuis longtemps, et déjà, tout a disparu. tu n'sais même pas ce que tu vas pouvoir faire, maintenant. ce que tu vas pouvoir entreprendre. plus personne ne pourrait t'aider et tu luttes, tant bien que mal, avec l'appel de tes anciens démons. t'es pas assez fort pour ça et ça t'brûle, ça te dévore. t'es en miettes, mais qui pourrait te le reprocher. après toutes les épreuves traversées. alors oui, tu éludes. et elle le remarque assez rapidement. (oui, ma mère va bien. mais je crois que tu évites une de mes questions, dasaret. qu'est-ce qu'il se passe ?)
tu soupires. tu évites son regard. version longue ou courte ? tu sais jamais ce que les gens sont prêts à entendre. ni ce qu'ils veulent vraiment savoir. tu sais pas si tu les emmerdes avec tes problèmes où si, au contraire, ils s'en portent garants. t'as l'sentiment d'avoir fait que ça, depuis ton retour d'australie. nourrir tes problèmes jusqu'à les boire au quotidien. t'en as marre d'être le mec qu'on plaint. tu râles un peu, c'est vrai, tu grognes presque avant de lui répondre (tu n'en as pas marre, jo ?) tu manques cruellement de sympathie mais t'es au bord de l'explosion. (à chaque fois, c'est la même rengaine. à chaque fois, je vous étouffe de mes problèmes. j'ai l'sentiment que j'fais que ça.. tout perdre, toujours. j'm'en sors pas et j'en ai marre d'avoir l'sentiment d'être un poids pour tout le monde, à commencer par moi.) c'est peut-être brusque, mais c'est vrai. t'en as marre d'être le mec à problèmes.

t'es pas dupe non plus. si dasaret évite tes questions, c'est pour une raison bien précise. tu sais à quel point ton cousin a pu traverser des moments difficiles dans sa vie. t'as fait de ton mieux pour te montrer présente pour lui, mais ce n'était pas toujours si facile. ni pour lui, ni pour toi. t'as toujours eu ce sentiment d'être totalement impuissante face à ses problèmes, et ça t'avais de la peine à l'accepter. pourtant, tu baisses pas les bras. t'as jamais cherché pour autant à mettre des distances avec lui, bien au contraire. c'est toujours lui qui a fini par te les imposer. et t'as accepté, sans rien dire. parce que tu pensais que c'était ce qu'il y avait de mieux pour lui. t'es comme ça, jo. t'as sans doute parfois un peu trop le coeur sur la main. mais si tu peux aider, tu le feras. toujours. surtout quand il s'agit de ta famille. alors t'as ton regard planté sur le sien. tu attends les explications. tu attends de savoir quels malheurs sont encore tombés sur lui. tu n'en as pas marre, jo ? tu t'attendais pas à ça, pourtant. tu fronces les sourcils face à cette réaction. un peu désemparée pour le coup. à chaque fois, c'est la même rengaine. à chaque fois, je vous étouffe de mes problèmes. j'ai l'sentiment que j'fais que ça.. tout perdre, toujours. j'm'en sors pas et j'en ai marre d'avoir l'sentiment d'être un poids pour tout le monde, à commencer par moi. ok. de toute évidence, dasaret ne va pas bien du tout. de toute évidence, les problèmes sont toujours autant présents dans son quotidien et ça le ronge. au plus profond. tu t'en doutais dans le fond qu'il s'en sortirait pas comme ça non plus. non, dasaret. j'en ai pas marre. c'est la première réponse que tu donnes dans un souffle. je te considère pas comme un poids.. loin de là. t'as des problèmes, certes. mais on en a tous, dasaret. et les proches sont là pour ça, tu sais. pour se soutenir, pour écouter l'autre. parce que parfois, il suffit juste de ça. de laisser sortir. évacuer ce que l'on a sur le coeur. tu continues de le regarder et tu croises les bras doucement. alors non, j'en ai pas marre. je ne vais d'ailleurs pas bouger tant que je ne saurais pas ce qu'il se passe exactement. tu souffles.

ça sort sans même que tu n'arrives à le retenir. les mots se mettent bout à bout et forment des phrases sur lesquels tu n'as aucun pouvoir. ça en dit long, également, sur ton état. tu vas pas bien, c'est évident. après tout, qui pourrait prétendre l'inverse en sachant tout ce que tu as traversé ces derniers temps. le souffle court, les yeux dans les yeux, tu t'attends pas à ce qu'elle accepte la situation ni même tes propos mais t'en as marre de jouer la carte du mec qui se plaint. c'est étouffant pour tout le monde, surtout pour toi.
- non, dasaret. j'en ai pas marre. elle te dit, rapidement. comme pour couper court à ta complainte. je te considère pas comme un poids.. loin de là. t'as des problèmes, certes. mais on en a tous, dasaret. et les proches sont là pour ça, tu sais. pour se soutenir, pour écouter l'autre. parce que parfois, il suffit juste de ça. de laisser sortir. évacuer ce que l'on a sur le coeur. alors non, j'en ai pas marre. je ne vais d'ailleurs pas bouger tant que je ne saurais pas ce qu'il se passe exactement. et c'est beau, c'est vrai. c'est ce que n'importe qui rêverait d'entendre. n'importe qui mais pas toi. parce que t'en as marre, tu l'expliques pas autrement. t'en as marre qu'on te regarde avec empathie et gêne, comme si t'étais qu'un gosse qu'il fallait prendre par la main pour l'aider à surmonter tout le reste. tu grognes, oui. comme l'animal blessé que tu es depuis toujours.
- peut-être que t'as raison Jo. mais réfléchis trente secondes. depuis toujours, vous m'entendez parler d'alcool et, à chaque fois, vous m'aidez, me soutenez, m'épaulez. ça va mieux un temps et puis, je replonge. tu parles d'une traite, tu t'arrêtes juste pour respirer. tu peux y mettre toute la bonne volonté du monde, tu finiras par en avoir marre de me voir inlassablement replonger toujours dans mes vieux travers sans même que j'arrive à m'en sortir. c'est comme répéter toujours les mêmes conneries.. ça en devient pathétique. tu lui expliques à moitié. t'es clean, pourtant. tu bois plus depuis quelque temps. c'est pas ça le vrai problème.. le manque est là, mais le pire, c'est ce que la vie t'a arrachée. t'as pas envie d'le dire, pas ici, pas en pleine rue. et puis, il n'existe aucun mot assez fort pour te réconforter de tout ça.