cela faisait déjà quelques mois qu’owen avait rencontré tessan au groupe des narcotiques anonymes. certes, leur rencontre avait été plutôt froide, mais owen appréciait sa personnalité unique. voilà maintenant un moment qu’owen n’avait plus de nouvelles. peut-être s’était-il senti assez en contrôle pour ne plus avoir besoin d’assister aux rencontres… néanmoins, des humeurs commençaient à circuler au sein du groupe comme quoi il serait arrivé quelque chose à tessan et que celui-ci serait rendu à montréal pour se soigner. owen trouvait cela étrange… après quelques recherches sur internet, il trouva le nom d’une clinique spécialisée dans les cures de désintoxication à montréal. aujourd’hui, le jeune homme était dans l’autobus voyageur en direction de montréal. il allait faire une petite excursion pour voir si les rumeurs étaient fondées, mais surtout, pour prendre de ses nouvelles. tessan n’avait jamais eu une bonne influence sur owen, mais ça n’empêchait pas celui-ci de l’apprécier. une partie de lui avait toujours eu envie de l’aider aussi, de veiller sur lui, même s’il le cachait bien. il arriva devant la clinique ste-marie. clinique à l’allure extérieure assez froide et impersonnelle. une dame était postée à la réception et contrôlait visiblement les visites. owen se racle la gorge. « bonjour, je viens voir tessan pelletier. » il devait avoir une voix confiante, sinon il se pourrait qu’on ne le laisse pas entrer s’il n’avait pas un motif raisonnable. « les visites sont limitées. » owen réfléchit. il ne s’était pas préparé à un tel obstacle. il dit la première chose qui lui vint en tête. « je suis son parrain. je l’aide depuis le début de son cheminement. » la dame lui ouvrit la porte, mais garda toutefois un regard suspicieux. owen se rendit à la chambre indiquée par la réceptionniste. tessan était là, allongé sur son lit dans la solitude de sa chambre. « hey mec, ça va ? » il espérait profondément que son ami allait bien. « j’ai dû me faire passer pour ton parrain pour pouvoir entrer… » owen se mit à rire devant son audace inhabituelle. « il t’est arrivé quoi ? » la dernière chose qu’owen espérait entendre était que tessan ait fait une tentative de suicide.

ça faisait à peine quelques semaines que tu étais ici. les visites sont interdites, t'avait-on indiqué à peine installé dans cette chambre hermétique à toute forme de confort. les murs, d'un jaune criard, te donnait le sentiment d'être en cellule capitonnée. un simple lit, une armoire et des commodités, c'était ce qui t'incombait désormais. c'était ton nouveau chez-toi. difficile de t'y faire.
soane avait pourtant fait le meilleur choix, tu l'sais. et tu ne lui en veux pas. quand elle t'avait retrouvé, allongé-là, elle avait craint pour ta vie, ta santé. cette clinique n'était pas une prison, même si au premier abord, t'avais l'sentiment qu'on t'empêchait clairement d'avoir accès à une certaine liberté. depuis ton arrivée, on t'autorisait à passer du temps en salle commune après chaque déjeuner, on te forçait à rencontrer un médecin et puis, on te laissait rester dans ta chambre aussi souvent que tu l'voulais. c'était ce que tu préférais, au fond. tu t'sentais fiévreux, de plus en plus mal à l'aise avec tout ce qu'il se passait autour de toi. le manque commençait à se faire ressentir mais tu n'regrettais pas ta présence ici. il est temps que je m'en sorte, tu l'sais, tu l'répètes chaque matin.
alors dieu seul sait la surprise que tu ressens quand la porte s'ouvre sur owen. toi qui t'attendais à voir débarquer une énième infirmière qui te proposerait de la suivre au réfectoire.. (hey mec, ça va ?) il dit, tout d'abord, en souriant. (j’ai dû me faire passer pour ton parrain pour pouvoir entrer… ) voilà comment il avait réussi à te rejoindre. malin, l'mec. les visites seraient autorisées dès la semaine prochaine. ici, on partait du principe que rester isolé pendant six semaines aidaient les patients à faire un pas vers la guérison. owen était donc la première personne que tu revoyais depuis.. (il t’est arrivé quoi ?) tu t'assieds sur ton lit en lui souriant, reposant le livre dans lequel tu t'étais plongé. (l'overdose de trop, d'après mon médecin.) ton myocarde aujourd'hui en gardait des séquelles. une de plus et vous n'y survivrez pas, il t'avait menacé, t'avait averti. soane avait pris les choses en main, et t'étais bien décidé à lui rendre justice. (t'es l'premier visage connu que j'vois depuis des semaines, t'as pas idée à quel point ça m'fait plaisir.) tu lui lances, goguenard, un peu surpris.

dès qu'owen mit le pied dans cette clinique, il se sentit instantanément inconfortable. juste le fait de penser que plusieurs fois ça aurait pu être lui qui se retrouve là le fait frissonner. au mot overdose, owen esquisse un sourire à la fois compréhensif et compatissant. il est passé par là. pas directement, mais il a été témoin de l'overdose de la femme de sa vie. il en serait marqué à vie. les images le hantaient encore. owen ne savait pas quoi dire. il avait envie de poser pleins de questions, mais il n'était pas certain qu'ils étaient encore assez proches pour ça. puis, il avait peur qu'entendre son histoire ravive le souvenir trop douloureux de la mort de clara. mais, il ressentait quand même le besoin de dire quelque chose. "j'suis content de voir que tu veux te prendre en mains." ça prend beaucoup de courage. ce n'est pas tout le monde qui en serait capable. owen se souvenait de leur dernière rencontre à la réunion de narcotiques anonymes. c'est tessan qui l'avait incité à s'enfuir de la réunion pour aller se faire une ligne tous les deux. en ce moment, ils étaient bien loin de là. tessan lui mentionne être content de le voir là. le premier visiteur qu'il a depuis son arrivée ici. "ah ben si ma présence te fait plaisir, tant mieux. maintenant que j'suis ici, je compte bien te changer les idées." il rit. "alors comme ça on se paye un hôtel cinq étoiles avec chambre douillette, bons petits repas et femme de ménage. wow." il plaisantait, bien sûr. avec ce qu'il voyait, tessan ne menait clairement pas une vie de luxe dans cette clinique. alors c'était comme ça que ça fonctionnait ? quand les gens avaient besoin de confort et de soutien, on les enfermait dans une pièce style cellule de prison ? pas évident pour remonter la pente après une épreuve aussi difficile qu'une overdose... au moins, owen avait pu entrer et il comptait bien lui faire passer un bon moment. "non sérieux, tu tiens le coup ?"

t'es heureux de retrouver Owen. après-tout, il était l'un des derniers visages que tu avais vus avant de faire l'overdose que tu mentionnes sans sourciller. c'était sans doute mieux comme ça, l'électrochoc, celui qu'il vous fallait à Soane et toi pour comprendre que ta santé était en jeu.
- j'suis content de voir que tu veux te prendre en mains. il dit avec une sincère gentillesse et tu souris. le chemin est encore long mais tu sais que le premier pas est toujours le plus compliqué. être ici te fait du bien, tu t'en doutes bien. le manque est terrible, certains jours. mais la clinique met à votre disposition suffisamment d'activités pour vous éviter d'y penser. évidemment, tu mentionnes le fait qu'il est la première visite que tu reçois. c'est pas commun, d'ordinaire, on s'attend plutôt à sa famille. le fait est qu'en se faisant passer pour ton parrain, il a sûrement obtenu le droit de venir plus tôt que les autres. néanmoins, t'es heureux de le retrouver. ah ben si ma présence te fait plaisir, tant mieux. maintenant que j'suis ici, je compte bien te changer les idées. alors comme ça on se paye un hôtel cinq étoiles avec chambre douillette, bons petits repas et femme de ménage. wow. tu rigoles. la chambre ne paie pas de mine, c'est vrai. et c'est surtout au début. vous enlevez un maximum de choses pour que vous puissiez vous concentrer sur vous-même. mais t'avais appris, par ton psychiatre, que la clinique possédait des salles de sport, une bibliothèque et même un espace bien-être qui te seraient accessibles une fois qu'on te jugerait suffisamment fort pour sortir de ta chambre.
- ça peut paraître dérisoire c'est vrai.. tu regardes les murs stériles, le petit lit et le simple bureau dans la pièce. ils disent que c'est nécessaire pour commencer. et tu sais qu'ils ont raison.
- non sérieux, tu tiens le coup ? il te demande, sans te quitter des yeux. tu opines du chef en souriant.
- c'est pas la grande joie, j'vais pas te mentir. c'est compliqué, le manque est là et j'vendrais sans doute mes deux reins pour un verre de rhum mais bon.. tu rigoles légèrement. il faut bien commencer un jour. tu hausses les épaules, te lèves sur tes jambes et t'approches de la fenêtre. tu regardes à l'extérieur, pensif. tu te retournes, lui fais face. Soane a eu peur. j'oublierai jamais son regard lorsque je me suis réveillé ce jour-là. ma santé est en danger et j'ai compris à quel point elle souffrirait de me perdre. j'veux plus jamais vivre ça. et tu sais qu'Owen est certainement le mieux placé pour le comprendre.