tu venais de quitter ton appartement. vêtue d'un manteau plutôt léger encore étant donné que l'hiver n'était pas encore arrivé. tu avais enfilé un jean et des petites bottines noires. sous ton manteau, tu portais un pull relativement chaud de couleur noir également et une petite écharpe. t'étais prête à arpenter les rues de la ville pour profiter un peu du soleil et de cet air agréable qui venait caresser ta peau en cette belle saison d'automne. il fallait que tu fasses quelques courses pour remplir ton frigo et puis tu en profitais pour faire quelques observations. les choses étaient compliquées pour toi en ce moment. tu enchaînais quelques missions pour ton gouvernement et en même temps tu tentais de retrouver les traces de l'enfant d'elena. beaucoup trop de choses qu'il fallait faire et tu ne savais plus vraiment où donner de la tête. alors des journées comme celle-ci te faisait du bien. c'était l'occasion parfaite pour prendre un petit peu plus de temps pour toi et te détendre la moindre. et c'est après quelques mètres, en tournant au coin d'une rue de ton quartier que t'es tombée sur lui. nez à nez. ton regard qui se pose sur le sien et un mince sourire qui s'étire sur tes lèvres. dasaret ? tu lances avec une certaine surprise dans la voix. parce que tu ne t'imaginais évidemment pas du tout le croiser ici en sachant que lorsque tu as connu cet homme c'était en australie. alors oui, il y avait de quoi être étonné de se retrouver tous les deux à trois-rivières. alors ça, je m'attendais clairement pas à te recroiser un jour. encore moins ici à trois-rivières. tu lances avec un petit rire. la situation était plutôt étonnante effectivement.

t'as jamais été un livre ouvert. de ton passé, tu as gardé bien des aspects secrets pour ne jamais avoir à supporter l'étincelle de la déception dans le regard de ton entourage proche - ou non - tu n'supportes pas qu'on puisse éprouver d'la compassion à ton égard et encore moins qu'on puisse se sentir désolé pour toi.
oui, ton passé, il est sous silence, comme scellé.
on connait ton histoire, on sait tes voyages et on devine assez facilement tes désillusions à ton regard triste et sombre. mais on n'imagine pas, ça non.. on n'imagine pas tout ce que tu as pu traversé alors que t'étais à peine assez âgé pour comprendre le réel sens de l'existence. l'australie se dessine sur ta peau, comme un tas de cicatrices qui, pourtant, restent encore silencieuses après tout ce temps. tu n'dis rien, tu n'parles pas. tu préfères encore enterrer ton histoire sous un monceau de mensonges et de faux semblant. l'alcoolisme, c'est une manière comme une autre de tenir à distance tout ce qui te blesse. mais aujourd'hui, quand tu tombes sur elle, au coin d'une route, tu sens ton sang qui brûle sous tes veines.  (dasaret ?) le temps qui se fige, le passé qui surgit à nouveua d'un regard que tu n'imaginais pas recroiser un jour. tes démons, tes ennemis, ta douleur et tes souffrances.. t'as l'corps qui réagit, instinctivement, tu t'crispes d'un coup. tu la regardes alors qu'elle ajoute, amusée (alors ça, je m'attendais clairement pas à te recroiser un jour. encore moins ici à trois-rivières.) ton passé, tu n'l'as jamais apporté ici, à trois-rivières. (grace.. qu'est-ce que tu fiches ici ?) et pourtant, il semble avoir voulu faire le voyage tout seul.

il y avait toujours des rencontres auxquels on ne pouvait pas vraiment s'attendre. il semblait que trois-rivières était la ville où ton passé allait ressurgir. de bien des manières. t'as beaucoup voyagé. un peu partout, sur tous les continents. t'en as fait des rencontres en tout genre. mais pour la plupart, tu pensais ne jamais les revoir. à moins de retourner là où tu les avais rencontré. en tout cas, tu ne t'imaginais pas une seule seconde les revoir ici à trois-rivières. ton regard se pose sur celui de dasaret aujourd'hui. l'australie qui débarque à trois-rivières. tu ne pensais pas que le monde était aussi petit que cela.. et pourtant. t'as le sourire aux lèvres quand tu le regardes. t'es étonnée et ravie à la fois. tu lis également la surprise dans son regard. si toi tu étais étonnée de le voir, lui l'était tout autant. forcément. c'était tout aussi étrange que tu te trouves ici. grace.. qu'est-ce que tu fiches ici ? il te demande et tu laisses échapper un petit rire. crois-moi, je me pose cette question tous les jours. je suis venue pour le travail, à la base. mais j'ai un peu changé de voie.. on verra combien de temps je vais rester encore. tu n'avais jamais rien dit sur la véritable nature de ton travail, bien sûr. tu prétextais simplement devoir voyager, beaucoup. un travail dans le journalisme, ou quelque chose dans ce genre-là. t'as jamais été très clair sur la question. quoi qu'il en soit, aujourd'hui, tu travaillais officiellement derrière un bar. et toi alors ? tu demandes avec le sourire. t'es curieuse de savoir s'il est toujours strip-teaseur aujourd'hui. tu te souviens en tout cas parfaitement de votre rencontre. tu te souviens aussi très clairement de ce jour où vous avez fini dans les draps l'un de l'autre. il te croit plus âgée que ce que tu es vraiment. parce que t'as toujours pu mentir très facilement sur ton âge.

t'aimerais comprendre, au fond. savoir quel est l'imbécile qui a jugé bon de lui payer un billet d'avion jusqu'à Trois-Rivières. dans tes malheurs, t'as pas besoin qu'elle s'y ajoute, qu'elle s'y intègre. tu préfèrerais mille fois retomber sur tes parents au coin d'la rue que sur Grace. elle qui connaît sans doute le pire te concernant. t'étais une épave à l'époque. tu l'es toujours, mais tu fais d'ton mieux pour te redresser. compliqué d'avoir l'air serein pourtant.
- crois-moi, je me pose cette question tous les jours. je suis venue pour le travail, à la base. mais j'ai un peu changé de voie.. on verra combien de temps je vais rester encore. super, tu siffles presque entre tes dents serrés. tu veux pas l'énerver, ni l'agacer. tu sais qu'elle détient suffisamment d'informations à ton sujet pour te faire sombrer, si elle le désire. alors tu vas tâcher d'rester poli et courtois. t'montrer gentil et sincèrement content de la revoir. et toi alors ? la question qui tue, bien sûr. celle que t'attendais, au fond. tu pensais bien qu'elle rebondirait sur tes propres interrogations. tu croises les bras sur ta poitrine, tes opales sont sombres. ses jades sont claires. le contraste est affolant. mais ton sourire se fige.
- j'habite ici.. depuis peu. pas la peine d'en dire plus. tu lui passeras l'épisode sobre qui n'a duré que deux ans et la folle expédition qui t'a conduit à tes propres cadavres. Grace n'est pas une amie, même si tu t'rappelles d'un corps-à-corps particulièrement enivré.. là-bas, en Australie. tu ravales ta salive. je ne suis plus.. tu vas même pas au bout de ta phrase. t'y arrives pas. j'ai arrêté.. tu ajoutes, sans être pour autant plus convaincu. écoute, j'ai passé toute cette vie sous silence et j'apprécierais que tu n'aies pas embarqué dans tes valises ce genre de souvenirs. pourquoi au juste ? elle ne connaît personne qui puisse être susceptible de te connaître.. t'as l'air de quoi ? là, tremblant comme une feuille, à la supplier du regard.

c'était parfois étrange, ce que la vie pouvait réserver. c'était étrange de retomber sur une connaissance de cette façon-là alors que vous vous étiez connus sur un tout autre continent. étrange de se dire que vous vous retrouviez ici, à trois-rivières. et pourtant.. il semblerait que vos chemins devaient se recroiser à un moment ou un autre. tu étais ravie de le revoir pour ta part. te rappelant très rapidement cette époque si particulière. tu lui avais menti à dasaret. tu supposais que lui aussi sur certaines choses. t'en sais rien. en même temps, vous n'avez jamais prétendu être des meilleurs amis ou quoi que ce soit. c'était donc dans tes droits de mentir sur certaines choses, non ? mais peut-être pas ton âge. et c'était bien sur ça que tu avais menti en supposant qu'il n'accepterait jamais de t'avoir dans ton lit si jamais il avait su la vérité à ce sujet. bref, dans tous les cas, ça te faisait drôle de le revoir ici et il était donc tout à fait normal que vous vous interrogiez autant l'un que l'autre sur les raisons qui vous ont poussé à atterrir ici. j'habite ici.. depuis peu. il te lance tout simplement. tu te contentes de hocher la tête. il n'y avait de toute façon pas grand chose à ajouter sur la question. je ne suis plus.. j'ai arrêté.. écoute, j'ai passé toute cette vie sous silence et j'apprécierais que tu n'aies pas embarqué dans tes valises ce genre de souvenirs. il te supplie du regard et de ton côté tu affiches un mince sourire tout en secouant doucement la tête de gauche à droite. désolée, mais certains souvenirs je n'ai pas envie de les oublier. comme les nuits qu'on a pu passer ensemble. tu dis avec un mince sourire tout en cherchant à le taquiner un petit peu. mais ne t'en fais pas, ça peut rester notre secret tout ça si tu veux. tu sais ce que c'est que d'avoir des secrets de toute façon et tu sais parfaitement les garder, surtout. mais te demander d'oublier tout ça, c'était tout à fait impossible. pas avec la mémoire sur développée dont tu disposes depuis ta plus tendre enfance.

au tableau de tes exploits, tu n'as jamais pensé accrocher des images de cette vie que tu menais en Australie. sûrement par pudeur, non ? pas du tout. peut-être que t'en as honte. non, pas du tout. mais tu préfères oublier que ça a existé. parce que t'as jamais été préparé à vivre tout ça, que t'aurais voulu que ça n'se produise jamais. t'aurais voulu que tes parents sachent te retenir plutôt que de te laisser partir avec suffisamment d'argent en poche pour te poudrer le nez à en perdre la raison. ouais, j'aurais préféré rester à Brooklyn, mais la vie en avait désiré autrement. t'étais rentré, fatalement. merci Charlie, ta soeur. mais t'avais pas oublié, t'oublierais jamais. ces quelques années à planer, à baiser tout ce qui avait deux bras et deux jambes et à tortiller du cul sur une scène pour te faire un peu de blé. non, t'oublies pas, c'est ancré à ta peau, à ta chair. comme une tâche que tout l'savon du monde ne ferait jamais disparaître. alors retrouver Grace, c'est retrouver tout ce que tu as souhaité oublier. tu le lui fais comprendre mais son sourire mutin en dit bien plus long que ses mots.
- désolée, mais certains souvenirs je n'ai pas envie de les oublier. comme les nuits qu'on a pu passer ensemble. mais ne t'en fais pas, ça peut rester notre secret tout ça si tu veux. tu grognes, pas vraiment ravi de sa réponse. tu détestes Trois-Rivières quand on te rappelle que c'est un village, finalement. que tout le monde se connaît et se rencontre. tu détestes la vie aussi quand elle te rappelle que l'passé n'est jamais vraiment enterré.
- garde en mémoire c'que tu veux, ça m'est égal. j'me rappelle pas de la moitié de ce que je faisais. tu lui lances, arrogant. j'te demande juste d'éviter d'en parler à tort et à travers et d'agir comme si tu ne me connaissais pas. t'as trop d'choses à perdre.. non, finalement, t'as plus grand chose à perdre. mais peu importe, il y a des portes que tu préfères garder closes.