c'est pas foncièrement elle que tu viens voir aujourd'hui.
ou peut-être que si.
chaque fois que t'as l'myocarde qui bat un peu fort et sans doute trop vite, tu prends c'chemin. c'est instinctif. t'as besoin d'elle, plus encore de sa présence pour te sentir bien. alors t'es là, à l'hosto. comme bien souvent ces derniers temps. t'as profité d'une pause dans ton planning pour parcourir la faible distance jusqu'ici. tu t'sens défaillir, parfois. t'oses pas tout lui raconter à emma, comme si t'avais peur de la décevoir.
comme t'as toujours eu peur de décevoir les gens autour de toi. finalement, tu reproduis le même schéma, inlassablement. tu t'arrêtes jamais, tu t'enfonces tous les jours un peu plus la tête sous l'eau.
tu soupires, tu t'appuies sur le comptoir de l'accueil, tu d'mandes après elle. on t'indique qu'elle est occupée et t'as l'sang qui vrille. j'ai besoin d'elle, tu voudrais hurler à la secrétaire mais tu t'contentes d'opiner légèrement du chef et faire demi-tour. tu pourrais repartir, finalement, revenir sur tes pas.
t'as peur d'faire une connerie. tu prends ton téléphone, tu lorgnes sur tes contacts. il y a son prénom qui s'affiche et tu t'demandes si tu devrais pas au moins t'assurer qu'il va bien. non, tu soupires, tu t'fais violence. tu ravales ta salive et puis, tu lèves les yeux sur un visage que tu reconnais. (oh, billie.) tu dis en souriant. la providence, tu crois. elle t'envoie l'petit-ami d'emma pour t'aider à penser à autre chose. tu ranges ton téléphone (t'as du temps pour moi ?) tu lui demandes, poliment. votre entente est cordiale, tu l'apprécies beaucoup. et puis, tu t'dis qu'à défaut de voir ta meilleure amie, tu pourrais t'appuyer sur lui pour oublier cet homme et ne pas replonger dans tes vieux démons.

une nouvelle qui date d'il y a quelques jours. emma qui lui a dit qu'elle serait mutée à montréal. en soi, ça ne le dérange pas plus que ça, parce que c'est un bon médecin et qu'elle mérite sa place là-bas. c'est juste qu'ils n'arrivent même pas à se voir plus que quelques minutes en étant dans le même hôpital. les soirées en amoureux c'est rare également. alors quand est-ce qu'ils pourront se voir quand elle ira travailler là-bas ? il se pose la question, c'est compliqué à gérer. ça ne fait pas longtemps qu'ils sont ensemble, mais ce serait bête de gâcher cette relation pour à cause du travail.

il sort de son bureau pour aller au rez-de-chaussée, prendre un café. un petit café bien sympa pour les patients, mais aussi pour le membre du personnel. le café est bien meilleur que les cafés des machines présentes dans l'hôpital. pas difficile de faire mieux.
il marche, se dirigeant vers le café avant de se faire accoster par quelqu'un. il reconnait renaud, le meilleur ami d'emma. il doit sûrement être venu pour elle, c'est même certain. il s'approche de lui, hochant la tête oui, je suis en pause, j'allais me prendre un café il dit avec un sourire, l'emmenant ensuite avec lui tu voulais voir emma ? il lance, se doutant bien qu'il n'est pas venu pour son plaisir ici. qui viendrait par plaisir dans un hôpital ? personne. il commande un café, laissant renaud commander sa boisson. et il paie le tout. ils s'installent à une table pour qu'ils puissent mieux discuter. ils ont déjà échangé tous les deux, quelques fois mais sans plus.
comment tu vas ? il demande simplement. il a souvent croisé la route de renaud à l'hôpital, aux urgences pour des contusions, des petits bobos par ci par là. ça fait un petit temps qu'il ne l'a plus vu par ici, il suppose donc que ça va mieux ?

au bord du précipice, tu t'apprêtes à sauter lorsqu'il apparaît devant toi. c'est la providence qui te l'envoie, t'en es sûr. tu l'as vu souvent à l'appartement depuis que tu habites chez emma et t'aimes beaucoup billie. t'as de l'affection pour cet homme plutôt sincère dans ses démarches et assez intelligent pour ne pas te juger lorsque tu lui as parlé, la première fois, de ta relation assez compliquée avec ton ex.
depuis, il a toujours été d'un certain réconfort pour toi. comme s'il avait le même pouvoir qu'emma. reposant, réconfortant.. tu l'abordes, sans hésiter. il t'adresse un léger sourire, il te répond rapidement (oui, je suis en pause, j'allais me prendre un café. tu voulais voir emma ?) tu lui souris. (je.. j'en sais rien en fait.) au fond, t'espérais juste trouver quelqu'un qui pourrait te faire oublier lionel quelques instants. t'es à deux doigts de lui écrire, de lui parler, de l'appeler. pour savoir s'il va bien, pour savoir s'il t'aime encore.. non, tu dois pas. emma a été catégorique à ce sujet. tu dois garder tes distances, tu dois te soigner, tu dois oublier. tu suis billie à la cafétéria, tu prends un café et vous vous installez ensuite à une table. il plonge ses yeux dans les tiens, il te demande (comment tu vas ?) et tu n'éludes pas la question, bien au contraire. tu t'plonges dans son regard en serrant le gobelet entre tes mains. (mal billie. j'ai fait une connerie.) tu lui dis, avant d'ajouter (j'aurai pas dû l'quitter. j'aurai pas dû partir.) c'est ta plainte, elle est larmoyante et pathétique mais elle est vraie. t'es seul et t'as besoin d'aimer, t'as besoin de quelqu'un à aimer. malgré les coups, malgré les blessures, il était là.. et t'aimais ça. t'es seul, tu sais pas être seul.

tu ne pensais pas tomber sur renaud, et puis tu penses que si il est ici aujourd'hui, c'est pour parler avec emma non ? ils vivent en colocation tous les deux, peut-être qu'il avait oublié de lui dire quelque chose ? ou même oublier des clefs, c'est possible aussi.
tu le regardes, il n'a pas l'air dans son assiette et tu lui proposes d'aller boire un café avec toi. tu connais un peu sa situation et tu as eu les mêmes paroles que emma. il te l'a dit mais en même temps, vous aviez tous les deux raisons concernant sa relation avec ce gars non ? il ne peut pas continuer à se faire mal comme ça.
tu t'installes à une table, en face de lui. tu lui demandes alors comment il va, sachant très bien que la réponse sera pas la meilleure. ça se voit qu'il a une mauvaise mine mais tu préfères ne rien dire, avant qu'il ne parle lui. tu n'aimes pas te mêler de la vie privée des gens, sauf si ces personnes en parlent ouvertement, ou se confient à toi. tu bois une gorgée de ton café avant de le regarder, sincèrement on te l'a déjà dit renaud qu'il faut que tu arrêtes cette relation tu préfères être cash avec lui, qu'il arrête de se mettre dans un état pareil à cause d'un gars. c'est pas ça l'amour je sais que tu l'aimes mais s'il t'aimait vraiment, tu serais pas dans cet état là, regarde toi il fait peine à voir. tu ne sais pas quoi lui dire de plus, emma lui a déjà dit aussi. tu ne sais pas ce que tu pourrais rajouter à tout ça tu ne peux pas revenir à chaque fois vers lui. tu dois prendre de la distance et surtout, te concentrer sur toi, aller mieux c'est pas à toi de faire la morale, ou même lui dire quoi faire mais tu veux simplement l'aider, et ne pas qu'il continue à sombrer dans cette relation toxique.

le problème quand on vit une relation comme la tienne, c'est qu'on a de la peine à s'en défaire. c'est comme ça, ça s'explique pas. pour les autres, c'est stupide, peut-être, mais pour toi, c'est évident. t'as besoin de Lionel. tu devrais pas, mais c'est inscrit en toi. c'est dans ta peau, dans ta chair. chaque fois que tu te retrouves tout seul, tu penses à lui, tu respires un peu plus pour lui. tu voudrais qu'il te prenne dans ses bras, à nouveau. tu voudrais ses baisers, tu voudrais même sa violence et son arrogance. il te manque. un constat qui te frappe à chaque instant passé loin de lui. et quand tu ressens ce manque, en règle générale, tu te retournes vers Emma. mais aujourd'hui, elle travaille et tu ne la trouves pas. comme le fumeur qui cherche désespérément sa cigarette lorsque le paquet est vide, t'as fait le déplacement jusqu'à l'hôpital dans l'espoir de l'y trouver. tu tombes sur Billie. un mal sur un bien, il connait ton histoire puisque tu lui en as déjà parlé. alors, ouvertement, tu lui expliques, même si tu baisses les yeux. t'as honte. c'est clair. tu sais qu'il va te prendre pour un imbécile.
- on te l'a déjà dit renaud qu'il faut que tu arrêtes cette relation. je sais que tu l'aimes mais s'il t'aimait vraiment, tu serais pas dans cet état là, regarde toi. tu te regardes tous les jours, tu sais. t'es pathétique. mais c'est comme ça. t'oses même pas le regarder tu ne peux pas revenir à chaque fois vers lui. tu dois prendre de la distance et surtout, te concentrer sur toi, aller mieux. tu souffles. c'est bien plus simple à dire qu'à faire.
- je sais pas comment faire Billie. tu lèves les yeux vers lui. tu pourrais en chialer tant tu trouves stupide. j'aimerais prendre du recul et j'sais qu'il m'a fait du mal.. mais quand j'suis seul, il me manque. t'es pas au bout de tes peines, t'en as conscience. la douleur est là, ça mettra du temps à cicatriser. j'suis pathétique, j'le sais. mais j'l'aime encore tellement. et c'est bien ce qui te fait le plus mal.

t'es en face de lui et tu ne sais plus quoi lui répondre à force. lui dire la même chose ne sert à rien non plus, il ne vous écoute pas. ça fait combien de fois qu'emma lui dit d'arrêter de le voir ? toi aussi tu lui dis et pourtant, il ne peut s'empêcher de le voir. tu ne comprends qu'il l'aime, tu comprends qu'il a besoin de lui mais tu ne comprends pas qu'il continue à se faire du mal comme ça alors essaie de t'occuper ou d'être entouré ? fais quelque chose qui te permet de ne pas penser à lui ? tu sais que ce n'est pas facile à faire et pourtant, tu penses que c'est la seule solution pour le moment. il doit s'occuper l'esprit, faire quelque chose qui lui fera pas penser à lionel par exemple. tu ne connais que très peu renaud au final, tu sais juste que sa relation amoureuse n'est pas au beau fixe mais c'est tout. tu ne connais pas ses amis, hormis emma évidemment. tu sais aussi qu'emma sera moins présente, vu qu'elle va bosser à montréal dans peu de temps. tu te demandes si ça va aller avec renaud, parce qu'il vit avec elle et si elle n'est pas là tout le temps, tu ne sais pas comment va réagir renaud. il se sentira forcément seul dans l'appartement.
tu te demandes aussi si emma lui a dit, qu'elle allait travailler là-bas. ce n'est pas à toi de lui dire de toute façon, elle le fera bien toute seule, dès que c'est définitif tu supposes toi tu l'aimes oui, et lui, est-ce qu'il t'aime vraiment ? tu lui demandes ensuite. parce que si c'est le cas, il a une drôle de façon de le lui montrer. c'est toujours renaud qui fait le premier pas après tout.
de toute manière le seul conseil qui tu lui fais, toujours, c'est de le quitter pour de bon. ça fait mal oui, mais c'est ça ou continuer à vivre l'enfer. renaud choisit l'enfer, toujours. l'amour rend aveugle je suis pas là pour te dire quoi faire, ou pour te faire la moral, je me le permettrais pas de toute façon tu ne le connais pas assez bien pour lui dire ce que tu penses de tout ça, c'est l'ami et le colocataire d'emma. tu le connais grâce à elle mais tu ne peux pas dire que vous soyez potes tous les deux non plus mais tu ne peux pas continuer à te rendre malade comme ça. pour toi mais aussi pour tes proches. parce que ça lui fait mal à emma, de voir son ami comme ça. tu le sais, parce qu'elle t'en parle parfois. le relation chaotique de renaud affecte tout le monde, et pas que renaud.