Le nouvel an passé, les nouvelles résolutions et promesses de renouveau s’étaient comme envolé dès lors que les premiers vents avaient soufflé. Des belles paroles accompagnées de bulles de champagne dans des flûtes de cristal, de sordides mots jetés en l’air en même temps que les cotillons pour faire comme tout le monde, pour suivre des traditions absurdes en lesquelles Aurore ne croyait guère. La seule chose qui comptait à ses yeux demeurait la liste faite à l’âge de dix ans, au nombre de zéro présent sur son compte en banque, aux affaires qu’elle traitait. Ainsi qu’aux moyens en sa possession pour faire payer Lars de son affront et sa décision brutale d’envoyer leur fille loin d’eux. Loin d’elle. Certes, Gaenor avait toujours été borderline, prête à tout pour défier l’autorité parentale et les diverses règles en général. Sans doute, la grande avocate avait échoué dans le plus beau rôle de la vie d’une femme. Un possible retour en arrière semblait impossible et elle ne pouvait que ronger son frein, attendre le moment opportun pour d’éventuelles retrouvailles avec le bébé qu’elle avait mis au monde, et enterré d’une manière ou d’une autre celui avec lequel elle avait été mariée durant ces si longues années. Elle le détestait, le maudissait, le haïssait au plus haut point, même si les souvenirs de leurs étreintes brûlantes, de la passion dévorante, de cet amour qui s’était dilué au fil des années avec la distance, les mensonges et leur travail respectif. Ensemble, ils auraient pu mettre le monde à leurs pieds, mais au final, c’était Lars qu’elle avait écrasé d’un coup de talon aiguille.

Mais là, le maire avait marqué un point, non pas avec ses costumes hors de prix mais par une décision qui s’apparentait enfin à celle d’un père. Aurore appliqua son rouge à lèvres, regarda une dernière fois son reflet dans le miroir, avant de sortir. Chaussures aux semelles rouges, robe de créateur et manteau digne de ce nom, elle avait refermé la porte de chez elle et qu’elle avait pris le chemin qui la conduirait à un endroit B, encore méconnu. L’avocate ne savait pas vraiment où elle se rendait, mais elle avait besoin de bouger plutôt que de ruminer en regardant les photos de ses enfants. Eux qui étaient trop loin d’elle, ceux qu’elle n’avait pas vus depuis des semaines, voire même des mois. Sortir, même habillée trop sophistiquée – diraient certains, mais elle s’en fichait. À peine venait-elle de faire quelques pas que son chemin rencontra celui d’un homme qu’elle avait déjà vu par le passé. Portrait à l’opposé de Lars, rien à voir. Même sur le plan carrière. Son regard se porta sur Gabriel, et elle arqua un sourcil à le voir non loin de chez elle. « Gabriel » . Le ton était morose, froid comme l’air ambiant, en raison des flocons de neige qui avaient recouvert de blanc routes et trottoirs. Un temps à ne pas mettre le nez dehors, sauf si on voulait s’adonner à la confection de bonhomme de neige ou se lancer dans d’éventuels activités de luge ou de ski, ce qui n’était tout bonnement pas le cas de la brillante Ruinart, qui n’avait visiblement pas pris en compte la météo et les éléments. « tu as ressenti le besoin pressant de prendre l’air par ici ? » . Elle arqua un sourcil en le dévisageant. Un pas en avant pour s’éloigner et son talon glissa. Elle se rattrapa in extremis à l’homme qui se trouvait près de lui, à ses épaules. Sans dire un mot, en retenant simplement son souffle. La glace ne se fissurait en aucun cas sous la pseudo magie de janvier et de la nouvelle année. En aucun cas, Aurore ne baisserait sa garde, pas même pour cet étranger qui ne savait rien d’elle, et dont elle ne voulait rien savoir en retour.