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(lila) - bien trop simple
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Tom Lussier
to infinity and beyond
Tom Lussier

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★ âge : 57

Jeu 9 Avr - 17:07

Te rendre dans le club de ton fils ne s’apparentait en aucun cas à une partie de plaisir, mais les efforts se voulaient nécessaires. Pour parler avec ton fils, et voir ce qu’il s’efforçait de construire paraissaient une étape indispensable pour renforcer ce lien immuable tissé avec ton aîné. Xavier portait tes espoirs et bien des éléments sur lesquels tes mots différaient de tes discours habituels. Pas ceux que tu utilisais à l’encontre de Diego, ce fils ingrat qui se moquait pas mal de ce que tu mettais tant de mal à créer, à construire encore et encore. Celui qui ne cessait de se montrer impertinent alors qu’il ne possédait pas les épaules pour, ou qui tentait tant bien que mal de reproduire le comportement et les actes de Xavier sans jamais parvenir à entrer dans un costume bien trop grand pour lui. Tu frottas ta barbe machinalement, pour enlever ces pensées insignifiantes de ton esprit d’homme d’affaires, celui qui ne s’occupait pas des hommes faiblards, qui se comptait de les utiliser comme des pions sur un échiquier. Pour parvenir à tes fins et mener à bien ta mission. Tout comme ici, sur le terrain de jeu de Xavier, tu compris qu’il y avait une carte à jouer. Un simple regard posé sur les créatures du Pussycat, et un visage retint ton attention. Sans nul doute parce que ta mémoire se rappelait ses traits et son ambition de devenir actrice. Le don de fouiller dans les dossiers de Veronica, ou du moins de feuilleter malencontreusement les candidates possibles aux rôles que ta très chère épouse proposait dans ses projets. Ta passion des affaires égalait sans nul doute le besoin de reconnaissance de la part de personnes pour lesquelles la célébrité ne durerait que peu de temps. Tout le coté éphémère de la chose, quant de ton coté, ton nom resterait dans les annales à coup sûr. Si ta mémoire ne te faisait pas défaut, il s’agissait de Lila Holden, mais tu ne tenais pas à te précipiter et lui sauter dessus. Non, le grand méchant loup ne dévoilerait pas toutes ses dents et ne l’effraierait nullement. Comme au poker, il fallait observer ses adversaires, remarquer leurs points faibles et les utiliser contre eux. Au moment opportun. Et tu n’allais pas déroger à la règle. une fois ton entrevue terminée avec ton fils, tu ne pouvais que retarder ton retard, ne pas te précipiter dans ton château pour t’y enfermer à double tour afin de régler tes affaires personnelles et professionnelles. Tu pénétras dans ton SUV noir, dont les vitres teintées cachaient ta présence, dissimulaient tes intentions machiavéliques qui naissaient en ton esprit et faisaient leur bout de chemin. Comme si les pièces du puzzle s’imbriquaient, que tu trouvais un moyen de surveiller les affaires de ton fils. Indirectement. Sournoisement. Et alors que tu surveillais l’entrée du club de ton fils, la blonde sortit et prit la bonne direction, à savoir celle où ton véhicule se trouvait. Tout se passait comme prévu, et tu souris en coin, ton regard azur se teinta de cette lueur d’intérêt non dissimulé. Plan en mode on. La jeune femme arrivait à ta hauteur, et tu descendis lentement ta vitre, qui dévoila ton visage. Millimètre par millimètre. Comme une arrivée divine, provoquée. Un coup du destin que tu forçais. « bonsoir. » . Tu te montrais doux, serviable. Belle carapace forgée. À la limite du gendre idéal, du héros que seul une jeune femme connaissait. « je crois que vous travaillez au Pussycat, le club de mon fils. Et il se fait tard, donc ... » . Tu marquas une courte pause, avant de hausser les épaules. Innocemment – ce qui constituait l’élément majeur de ton plan. « voulez-vous que je vous dépose ? Je comprendrai un éventuel refus, mais ne la déclinez pas trop vite. Je vous en prie. » . Pas de menace, rien, et tu la dévisageais, attendant une réponse, un pas de sa part dans le piège que tu tendais, effet Lussier pour sûr..
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Lila Holden
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Lila Holden

✩ messages : 593 ✩ avatar : benedetta porcaroli.
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★ âge : 29

Ven 10 Avr - 23:21


Elle l’avait immédiatement remarqué, à l’instant même où il était entré dans le bar. Il se dégageait de lui l’expression d’une assurance manifeste, l’affirmation d’un pouvoir palpable. Elle était prête à jurer que les conversations avaient cessé pendant des brèves secondes lorsque ses chaussures impeccablement cirées avaient foulé le sol poisseux du Pussycat ; elles qui étaient habituées au marbre, aux pierres nobles, aux moquettes moelleuses. Son regard d’acier avait rapidement fait le tour du propriétaire avec un rictus inqualifiable en travers du visage, une sorte de dépit, d’impuissance qui l’agaçait au plus haut point ; fallait voir la manière dont son sourcil s’était relevé lorsqu’il avait empoigné le bras de son rejeton : Xavier. S’en était suivi une discussion houleuse qu’elle avait tenté de suivre discrètement en lisant sur les lèvres des protagonistes (un talent acquis grâce à la scène, au théâtre, et qui s’avérait quelquefois bien utile). Dans une sorte de discours moralisateur dont l’accusé n’en avait que faire, il lui avait dit que l’endroit n’était pas convenable. C’était à cause forcément à cause du quartier qui avait mauvaise réputation, de la profusion d’alcool et de la quantité drogue qui circulaient sous les néons ou, peut-être l’associé à de Xavier que son père voyait d’un mauvaise oeil. Elle aurait voulu le savoir Lila, mais elle avait des commandes à servir, des pintes de bières à remplir, des parasols en plastique à mettre dans les cocktails. Malheureusement, on ne la payait pas (encore) pour écouter aux portes. La tension était palpable entre les deux hommes, par moments, elle devenait même conflictuelle. Elle se demandait si l’un allait insulter l’autre, en venir aux mains. Vingt minutes après l’arrivée de Tom Lussier dans le club, elle avait tenté une première approche. Fallait pas que le patriarche découvre les effets dévastateurs de la soif ou frôle la déshydratation ; mais, désireux de faire impunément souffrir son géniteur, Xavier l’avait sommé d’aller voir ailleurs d’un simple regard. Deux pupilles noires qui l’avaient fusillée comme jamais, alors elle avait docilement tourné les talons pour éviter de s’attirer davantage ses foudres infernales. Ensuite, il était parti, dans une démarche pressée, les poings serrés, en claquant la porte. C’était il y a une heure.
Peut-être un peu plus.
Depuis, de l’eau avait coulé sous les ponts, on avait eu le temps de servir les derniers clients, de nettoyer les verres, ranger les chaises, couper l’étourdissante musique, revêtir une tenue plus conventionnelle, remettre au placard la robe microscopique parsemée de paillettes (celle qui laissait apparaitre trop de chair, mais qui faisait consommer les clients deux fois plus selon les calculs de Mandy).
« A demain. » D’un bref signe de la main, Lila saluait ses collègues et serrait silencieusement la main de Xavier qui attendait que tout le monde déguerpisse pour fermer les portes et vaquer à ses occupations. Immédiatement, elle se fit happer par l’air glacial de la main et enfouissait ses petites mains dans le fond de ses poches à la recherche d’une cigarette et d’un briquet. Il lui fallait marcher encore quinze minutes pour retrouver le confort de ses draps roses et sa peluche informe (qu’elle refusait de laver malgré les moqueries de Dad et de Boyd).
Les yeux perdus entre deux constellations, elle sursautait lorsqu’une voix l’interpellait (on pouvait s’adresser qu’à elle, les rues étaient désertes à cette heure-ci, on se serait cru en plein confinement). « Bon...soir. » L’effet de surprise lui avait fait perdre ses moyens. Installé derrière son volant, confortablement assis sur son siège en cuir, elle voyait son visage se découvrir à mesure que la vitre fumée s’ouvrait totalement. La cigarette (pas encore allumée) qu’elle tenait dans sa main tombait vulgairement au sol, en plein milieu d’une flaque d’eau, lui rappelant qu’elle n’avait aucune coordination motrice. « Oui... je suis Lila. » Elle répondait timidement, d’une voix faible, presque un murmure. Il était si facile de l’impressionner, elle s’émerveillait d’un rien ; petite fille égarée qui découvrait le monde, n’arrivait plus à encaisser la violence des coups. « Vous êtes le père de Xavier ? » La question était parfaitement idiote, elle avait déjà la réponse ( parce qu’elle n’avait eu cesse d’espionner le duo et qu’il venait de le réaffirmer : le club de -mon- fils). C’était juste que tout cet étalage de pouvoir, de fric, de puissance, de tout ce qu’elle n’aurait jamais (même en tournant une vidéo porno par jour) ça la paralysait de l’intérieur. Elle était fasse à quelqu’un. Quelqu’un qui pouvait faire de son patronyme un nom commun, lorsqu’elle resterait l’éternelle anonyme.  
Il proposait de la raccompagner chez elle et elle refusait poliment parce que ses parents lui avaient toujours répété de ne jamais grimper dans la voiture d’inconnus. Qu’importe qu’elles soient rutilantes, vernies, teintées, dotées d’un moteur surpuissant et qu’elles soient plus onéreuses qu’un rein au marché noir. « C’est très aimable de votre part mais je vais marcher. J’habite vraiment pas loin. » Gênée, elle enroulait l’une de ses longues mèches blondes autour de son index, un peu bêtement, un peu hagarde. Puis, elle réfléchissait d’un coup, d’un seul, une ampoule s’allumait dans son système nerveux central, ça clignotait. « A moins que... vous m’attendiez ? » Elle ou une autre. En tout cas, il attendait forcément quelqu’un ou quelque chose parce que la discussion avec son fils s’était terminée depuis plus d’un heure, l’aiguille avait eu le temps de faire un tour de cadran. « Xavier est encore à l’intérieur. » Elle l’informait, consciente que c’était plus probable qu’il attende son fils que l’incompétente serveuse qui écoutait aux portes avec la discrétion d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.
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Tom Lussier
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Tom Lussier

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★ âge : 57

Jeu 23 Avr - 2:07

Repérer les failles d’un ennemi semblait la chose la plus facile qui se trouvait, mais lorsque cela concernait un allié, un membre de ta propre famille, tout cela nécessitait une approche différente et en aucun cas frontale. Il te faudrait trouver des subterfuges pour te rapprocher du talon d’Achille, l’amadouer afin de pouvoir lui donner assez de pouvoir pour se sentir importante mais pas assez pour qu’elle parte dès lors qu’elle obtiendrait ce qu’elle voulait. l’établissement de Xavier se voulait une aberration sans nom à tes yeux, une affaire qui devait être calculée dès le départ, sauf que tu ne le voyais pas. Du moins, pas aux premiers abords, même si cette petite entrevue avec ton fils s’était voulue intéressante et relativement riche en informations. Mais les beaux discours n’éteignaient en aucun cas tes doutes, ton aversion pour cet endroit dans lequel tu étais entré en te demandant à quelle sauce tu allais être mangé. ton costume, ton comportement, tout en toi symbolisait ce pouvoir acquis d’une manière peu réglementaire, sans la moindre once de pitié pour celui qui avait tout misé par désespoir. Un sentiment que tu avais connu, mais qui te semblait bien loin à présent, tant tu maîtrisais bon nombre d’éléments dans ta poigne d’acier, enfin beaucoup sauf un qui se voulait être un électron libre, fait du même acier que toi. Fort, indomptable et qui ne suivait aucune règle. Parfois à ton plus grand désespoir, que ce soit par cette idée d’union ou ses activités qui lui permettaient d’acquérir son propre réseau mais que tu ne voyais pas d’un bon œil en raison du tort qu’il pourrait causer à votre nom. Et malgré cette entrevue qui t’avait quelque peu mis sur tes gardes, ton regard s’était voulu aiguisé pour repérer une perle, une faille dans le système, une jeune femme qui pourrait se révéler utile au sein de cet établissement si elle devenait tes yeux et tes oreilles. Un excellent plan qui émergeait au sein de ton esprit de fin stratège. La manipulation serait requise, un détail en soi pour un bluffeur de ton acabit qui ne s’était pas pris au jeu d’une telle partie depuis un moment. Avec un véritable enjeu à la clé. Ce visage de poupée qui se voulait des plus curieuses de par sa manière de s’approcher , de tenter de connaître les détails d’une conversation privée qu’aucune oreille pure ne serait en mesure d’accepter. Stratégies dans bien des domaines qui pouvaient choquer plus d’une personne, surtout une qui ne serait préoccupée que par une carrière qui se voudrait à coup sûr éphémère. Parce que pour briller sous les feux des projecteurs, il était parfois nécessaire de vendre son âme au diable, si tel n’avait pas déjà été le cas. Tu te posais sérieusement la question lorsque tu voyais ton fils renvoyer la blondinette à sa place, à savoir loin de vous. Et la manière dont elle l’avait fait, si docilement que cela t’aurait fait du mal au cœur, du moins si tu en avais possédé un. Et si l’entrevue s’était bien passée, ou du moins s’était passée tout court, tu ne pouvais que revoir le visage de la jeune femme et voir clignoter le mot intéressant au dessus de sa chevelure blonde comme les blés. Tu n’envisageais en aucun cas une liaison avec elle, mais plus une relation d’un tout autre ordre, toi qui pouvais lui donner un coup de pouce si tu manœuvrais correctement auprès de ta très chère épouse. Car, cette petite, Lila – si ta mémoire ne te faisait pas défaut – voulait un rôle dans le prochain projet de Veronica, et à coup sûr, tu pourrais jouer sur cette corde sensible pour la mener à aller où tu le souhaitais. Mais tout restait une question de finesse, de bluff, de sortir les meilleures cartes au moment le plus propice, ce qui ne tarda pas à arriver. Certes, il t’avait fallu attendre dans ton véhicule que la fermeture se fasse et que la jeune femme ne quitte le Pussycat afin de pouvoir forcer la rencontre. Tu l’avais observée, cigarette entre les doigts, le nez en l’air à la recherche de n’importe quelle étoile, à défaut d’avoir la sienne sur le Walk of Fame. Petite rêveuse qui te donnait davantage l’impression d’avoir mordu la poussière que d’avoir effleuré la lune du bout des doigts, image cruelle mais qui devait s’approcher à coup sûr de la vérité. Et alors qu’elle s’avançait en direction de l’endroit où tu t’étais garé, tu descendis lentement la vitre teintée pour t’adresser à elle. d’un ton doux, limite rassurant. Le loup déguisé en agneau, un rôle de circonstance qui t’irait comme un gant – ou presque. Tu l’observais, évitant de rire au fait qu’elle ne se tuerait pas à petit feu avec la cigarette qui venait de rejoindre le bitume, et tu lui souris. Tu n’avais pas demandé son prénom, et elle te le donnait, comme une offrande. l’impressionnais-tu ? Sans nul doute, et pourtant, tu n’avais rien fait, si ce n’était être un Lussier, dans ton costume impeccable et ton énorme voiture noire à la carrosserie impeccable mais surtout imposante. « enchanté Lila » , murmuras-tu, pour ne pas effrayer davantage le petit oiseau qui risquait de déployer ses ailes et prendre son envol, si elle y parvenait. Trop faible, criait l’homme d’affaire, cette voix même que tu mis en mode pause afin de ne pas venir interférer avec tes plans initiaux. Faible certes, mais intelligente, capable d’assimiler les informations que tu lui présentais, comme autant de miettes que tu lui lançais pour la conduire où tu le souhaitais. « en effet, je suis le père de l’homme qui vous emploie » . Voix toujours posée, contrôlée alors que ton regard azur s’était paré d’un voile illusoire, cachant le fin manipulateur dont la lueur d’intérêt aurait pu éclairer les rues vides. Pour mieux la piéger, l’amadouer en proposant de la ramener. Et sa réponse n’était évidemment pas celle que tu envisageais et encore moins celle que tu acceptais. Tu tapotas sur ton volant et te reprendre. Aucun signe qui pourrait donner une raison à la jeune femme de se méfier, elle dont toute l’attitude témoignait de cette gêne, de ne pas être à sa place dans un monde où la richesse coulait à flot. « vous êtes certaine ? Je peux très bien vous déposer, être certain que vous soyez bien rentrée. En plus, comme ça, je serai rassuré plutôt que de vous imaginer traverser les rues les plus sombres où l’on ne sait pas ce qui est caché par les ombres. » . Tu feignais le coté intéressé et protecteur que tu n’avais jamais eu avec tes propres enfants. Eux qui allaient et venaient à leur guise et dont tu te moquais éperdument au passage. Mais là, il te fallait adopter l’attitude de l’homme irréprochable, celui qui ne ferait pas de mal à une mouche, l’homme capable de recevoir le prix Nobel de la paix par ses actions bonnes et justes. Ton opposé en somme. Mais Lila se voulait moins crédule que ce qu’elle ne laissait paraître, car rapidement, la question de ta présence à une heure si tardive, alors que tu avais quitté le lieu, une heure auparavant. Ton cerveau se mit à fonctionner à une vitesse folle. Prétexter une maîtresse ? En aucun cas, surtout que tu devais paraître pour l’homme propre sur lui que tu devais représenter à ses yeux, avant que que le miroir n’éclate et qu’elle ne découvre ta véritable nature. Tu attrapas ton téléphone et le montras à la jeune femme. « non, absolument pas. j’ai reçu un appel d’un point de vue professionnel, et la conversation s’est éternisée. Un souci urgent qui méritait toute mon attention, et comme il ne fait pas bon téléphoner au volant, j’ai préféré jouer la carte de la prudence et éviter un éventuel accident. Ce qui est préférable, n’est-ce pas ? » . Tu reposas ton smartphone dernière génération, et l’écoutas évoquer ton fils. Tu éclatas de rire, et lui adressas un léger clin d’oeil. « Xavier a sûrement beaucoup de travail, et il possède son propre véhicule. Cela fait bien longtemps qu’il n’a plus besoin de moi pour le conduire en quelque part, contrairement à l’époque où il était un tout petit garçon qui ne demandait que ça » . Faire appel à la sensibilité, aux émotions, un détail qui pourrait jouer en ta faveur. Tu poussas un léger soupir. « êtes-vous certaine de ne pas vouloir me laisser jouer le rôle du chauffeur ? Me donner la sensation d’être encore utile pour quelqu’un avant d’être bon pour la case retraite. S’il vous plaît, Lila » . Ton regard dans le sien, plus intense que jamais, qui espérait que tu abattais correctement tes cartes pour la voir plonger à corps perdu dans ce plan qui pouvait se révéler dangereux.
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Lila Holden
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Lila Holden

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Mer 6 Mai - 22:18


Elle se serait cru dans l’un de ces vieux films d’espionnage en noir et blanc, ceux produits à Hollywood pendant l’âge d’or. Le décor était planté et tous les détails semblaient avoir été peaufinés par une équipe aguerrie. Le macadam était parsemé de flaques, à l’horizon on pouvait distinguer le soleil prêt à pointer le bout de son nez, la bagnole semblait avoir été sélectionnée sur catalogue selon des critères très précis : peinture noire, jantes chromées, intérieur cuir, vitres teintées, douze mètres carrés posés sur un moteur. C’était tellement too-much qu’elle en laissait tomber sa clope en tentant de se remémorer son texte. Elle commençait par se présenter parce que, même si elle avait grandi sans le sou, roturière du Midwest, ses parents s’étaient quand même évertués à lui apprendre la politesse (parfois fallait une baffe ou deux pour que ça rentre). Il se disait -enchanté- et il articulait les deux misérables syllabes de son prénom avec un chic qu’elle n’aurait jamais pu déceler toute seule dans ces quatre foutues lettres. Elle se tenait en face du Roi Midas, c’était une évidence à présent. Il transformait tout ce qu’il touchait en or, vingt-quatre carats. Il suffisait de voir son fils, (rectification), son héritier. Dans ce monde là, on n’avait pas de vulgaires marmots turbulents mais des princes, des futurs monarques qui bouffaient de la purée aux truffes avec une cuillère en argent massif. Fiévreuse, elle devinait que ses joues étaient passées de la porcelaine à la pétale de pivoine, la faute à un déferlement d’émotions étouffantes : la gêne, l’appréhension, quelques particules de peur. Monsieur Lussier, dont elle ne connaissait pas le prénom, confirma son identité, son lien de parenté avec Xavier. Elle aurait voulu que ça se voyait, que les chiens ne faisaient pas des chats et que son rejeton avait exactement le même rictus indéfinissable accroché au coin des lèvres (d’ailleurs souvent ça ne présageait rien de bon lorsqu’il se parait de cette expression). « Vous avez pas de chauffeur ? » Une fois encore, elle avait oublié de filtrer ses pensées et elles s’étaient transformées en paroles, un peu malgré elle. Il avait tapoté sur son volant, frénétiquement, elle s’était dit que c’était étrange de dormir dans des draps de soie et de devoir quand même faire l’effort d’appuyer sur des pédales, tourner un volant, mettre le contact. Elle était certaine que dans ce genre de voiture la banquette arrière était infiniment plus confortable que la place du conducteur ou que celle du mort. Combien de scènes elle avait tournées à l’horizontal sur des banquettes en cuir ? Se cogner contre l’appui-tête, développer des talents de gymnaste, exercer sa souplesse. Finalement, après réflexion, elle préférait les piscines ou les ascenseurs. Lorsqu’elle refusait de grimper dans sa Cayenne à six chiffres, il insistait. Putain, elle était qui pour oser dire non à Tom Lussier ? C’était quand la dernière fois qu’il avait essuyé un refus ? Peut-être avec sa femme, quand elle avait déménagé son barda dans la chambre d’en face. Souvent, plus y’a d’argent, moins y’a d’amour. Il la mettait en garde contre le grand méchant loup, évoquait les pires choses susceptibles de se produire sur le chemin entre le club et son appartement. Elle avait vu tous les épisodes de New-York section criminelle et certains des courts-métrages dans lesquels elle avait joué n’avaient rien à envier à la série policière. « Oui, je suis certaine. » Lila campait sur ses positions, se rappelait les mises en garde soufflés par ses parents : tu n’acceptes pas de bonbons d’un inconnu et surtout tu grimpes pas en voiture avec des gens que tu ne connais pas. Maman n’avait rien dit sur le porno, sinon peut-être qu’elle aurait pas fait la connerie. Papa n’avait jamais dit que sa jupe était trop courte et qu’au pire, il valait mieux la garder, que ça suffisait à pas tomber dans le piège. « Vous serez peut-être rassuré pour ce soir, mais demain ? Les jours d’après ? Vous allez me raccompagner chez moi tous les soirs jusqu’à ce que votre fils me foute à la porte ? » Il ne fallait pas se leurrer, elle avait beau être mignonne et plutôt attachante, Lila avait un véritable problème de coordination dans l’espace, deux mains gauches et déjà trente-six verres détruits. Mandy s’en amusait le plus souvent, Xavier lançait une sorte de regard désapprobateur, sombre, totalement dans le jugement avant de lui indiquer l’emplacement (qu’elle ne connaissait que trop bien) du balai. Les mains dans les poches, Lila peinait à soutenir son regard, elle ne comprenait pas trop pour quelle raison il montrait si prévenant avec elle, pourquoi elle avait droit à un traitement de faveur. Elle avait tout logiquement supposé qu’il attendait son fils mais il expliqua brièvement que ce n’était pas le cas, il avait reçu un appel professionnel (et puisqu’il était presque six heures du matin , elle devinait que le coup de fil venait de l’étranger). Parce qu’elle avait mené un peu son enquête, elle savait qu’il était à la tête d’une entreprise d’import-export florissante, il régnait sur le port d’une main de maitre, empochait des millions chaque année. Elle était prête à parier qu’il figurait en bonne position dans le top cinquante des plus grosses fortunes du pays. « Ah oui.. les bateaux. » Les poings serrés, elle se mordait les lèvres de prononcer autant d’inepties, c’était encore pire lorsqu’elle commençait à avoir vraiment sommeil. Il n’avait pas de chauffeur, pas de système kit mains-libres dans sa voiture de gangster, ça la confortait dans l’idée que, non, non, il valait mieux pas grimper dedans. « La retraite, déjà ? Vous ne faites pas du tout votre âge. » En vérité, elle était incapable de lui donner un âge, la cinquantaine probablement, comme son père. Il mettait tout en oeuvre pour la convaincre, l’amadouer, jouait la carte du père esseulé, plus bon à rien. Elle manquait de s’étouffer lorsqu’il prononça -s’il vous plait- même lui paraissait surpris d’avoir articulé cette formule toute faite qu’il avait rayé de son vocabulaire en encaissant son premier million. « Je... je... » Tiraillée entre la peur de se faire enlever, séquestrer puis tuer en désobéissant à sa mère, et celle de s’attirer les foudres de Tom Lussier (à choisir, elle préférait ne surtout pas se le mettre à dos); elle proposait une solution alternative. « Si vous voulez vraiment me raccompagner, on peut faire le chemin à pied... » En plus, elle était certaine que l’air frais de la nuit lui ferait le plus grand bien, qu’il passait sa vie entre deux bureaux, deux avions, deux réunions, peut-être même deux femmes, ou trois, ou quatre. « De toute façon, je suis certaine qu’on a pas le droit de fumer dans la voiture. » Dans celle de son père, en tout cas, elle avait jamais eu l’autorisation de se griller quoi que ce soit, ni elle, ni ses frères. Elle replaçait lentement une de ses mèches dorées qui virevoltait devant ses azurs et osait un sourire timide, un peu niais, celui des filles égarées qui ont presque tout perdu mais qui se tiennent encore miraculeusement debout. Elle voulait que quelqu’un l’attende quelque part, être étreinte très fort entre des bras virils et rassurants. Elle voulait qu’on lui dise que tout finirait par s’arranger, que tôt ou tard, il y aurait des lendemains qui chantent et des étoiles dans son ciel.
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Tom Lussier
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Tom Lussier

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Dim 10 Mai - 1:30


comme une araignée qui avait su tisser sa toile, ton esprit avait échafaudé un plan qui se voulait des plus ingénieux, des plus risqués également mais tu ne serais pas sur la première ligne de combat. Non, tu laissais cette place aux petites gens, à ces pions qui pouvaient être sacrifiées sur l’autel au nom de la stratégie éternelle. Rapidement, les rouages de ton cerveau avaient monté une idée, une stratégie qui t’avait valu de rester dans ta voiture après ton entrevue avec ton fils. Des minutes et des minutes durant à attendre que la petite tête blonde aperçue plus tôt au Pussycat, celle qui allait passer de l’ombre à la lumière, de l’anonymat à la pièce maîtresse de ton plan. Celle qu’il te faudrait apprivoiser, approcher avec douceur et ne pas te comporter comme le Tom Lussier habituel, à savoir celui qui n’hésitait en aucun cas à laisser parler son mauvais caractère, et en employant la force plutôt que la discussion. Les ordres au lieu de la conversation. Une habitude qu’il te fallait renier jusqu’à parvenir à tes fins, ce qui ne semblait pas bien parti. Car, il fallait bien reconnaître que la situation se voulait quelque peu étrange, toi dans ta grosse voiture digne d’un président tant elle ressemblait à un de ces véhicules blindés à l’abri des balles. La tienne protégeait l’affreux prédateurs qui était prêt à fondre sur sa proie, à la dévorer littéralement, sans une once de pitié ou de remord et surtout sans te soucier des dégâts que tu pourrais causer sur cette petite chose fragile. Voire même innocente, comme en témoignaient ses mots. Tu ris, en te demandant si tout le monde associait toujours richesse, homme de pouvoir et voiture avec chauffeur. Tu la dévisageais et constatais sa candeur. « non, pas ce soir. » . Parce que oui, il t’arrivait de temps à autre d’avoir un chauffeur, même si tu adorais clairement conduire ton petit trésor que tu avais choisi sur catalogue spécial, avec toutes les options sans regarder le prix. Voilà ce que tu avais appris en devenant riche. Tu pouvais claquer des doigts, demander des choses astronomiques sans que l’on en vienne à te rire au nez. Non, au contraire, combien de vendeurs avais-tu vu accourir dans le seul but de venir de demander si tout allait bien – le cirage de pompes dans toute sa splendeur. Tu ne t’en lassais jamais, le sourire plus que suffisant aux lèvres, celui qui apparaissait quand tu constatais le confort de tes sièges en cuir, de ces vitres teintées derrière lesquelles tu pouvais observer le monde sans que l’on ne te remarque. Évidemment que tu aurais été tenté de faire comme ces personnes qui s’envoyaient en l’air dans leur voiture, juste pour tester de nouvelles expériences, pour vérifier la théorie selon laquelle le danger était d’autant plus excitant, et réveillait l’esprit créatif dans le domaine de la luxure. Mais il était certain que cela ne serait pas Veronica qui t’aiderait, et la simple idée t’horrifiait. À vrai dire, tu avais simplement envie de goûter à tous les délices possibles et inimaginables avec ta maîtresse, celle qui mériterait la couronne suprême de ton clan ainsi que de se trouver à tes cotés, une bague à l’annulaire gauche. Bon sang, cette simple idée te mettait en joie et aurait pu aisément te distraire de ta mission première. Tu secouas légèrement la tête et ne pus qu’ouvrir les yeux face à la confirmation de la demoiselle quant au fait de ne pas vouloir monter dans ton véhicule afin que tu puisses paraître pour l’homme de l’année, l’opposé de l’image renvoyée par ton héritier. Et même si sa réponse ne te satisfaisait pas, tu ne pouvais décemment pas la forcer à entrer dans ton véhicule, ce qui serait totalement contraire à l’homme gentil et bienveillant que tu devais d’être. Et puis, on ne pouvait pas dire que cela fasse partie de ta nature que d’enlever des gens contre leur gré. Le mensonge, la manipulation, voire même les  pots de vin, mais tu ne franchissais pas de limites qui pourraient te conduire directement en prison. Tu ne rétorquas rien, te contentant de poser ton regard sur elle, un regard qui se voulait relativement neutre – sans perversion aucune, après tout, Lila était bien trop jeune pour toi et ressemblait davantage à une poupée de porcelaine que tu aurais peur de briser. Un soupir s’échappa et tu n’eus guère le temps de placer une réponse qui aurait été de toute manière ridicule, que l’employée de ton fils reprenait la parole et soulevait un point non négligeable. Un qui pouvait clairement te servir, au point de sourire de sa naïveté. « et pourquoi pas, en effet ? Ou si justement un chauffeur vous était attitré et vous attendait chaque soir pour rentrer ? Quant à Xavier, il n’aura pas l’envie de vous mettre à la porte. Mais je peux aisément vous permettre de ne pas avoir peur de quitter votre lieu de travail, risquer une rencontre hasardeuse, voire même pire. s’il vous plait, je reconnais que vous êtes une personne totalement charmante et qui sait se débrouiller seule, mais avouez que la criminalité est partout, même si nous avons un maire qui est plus qu’efficace et qui fait tout son nécessaire pour protéger la population » . Tu n’avais jamais été attiré par la vie politique, mais Lars demeurait ton meilleur ami, et tu ne pouvais que reconnaître ses qualités – vestimentaires et autre. Et si rapidement, tu avais dû trouver un justificatif quant à ta présence, les bateaux te laissèrent bouche-bée, au moins elle savait dans quoi tu travaillais, mais formulé ainsi, cela paraissait enfantin, mais si adorable que tu hochas simplement de la tête. Après tout, tu n’allais pas l’enfoncer davantage ou lui construire un petit bateau en papier non plus. Enfin, tu crus t’étrangler avec le mot retraite, et éclatas de rire. « excusez-moi, mais quel âge me donnez-vous ? Non, la retraite n’est pas pour tout de suite, mais mon fils doit être quasiment de votre âge, et je ne l’ai pas eu à quinze ans, ce qui vous donne approximativement un ordre d’idée quant au nombre d’années que j’ai » . Tu préférais en rire plutôt que de t’offusquer et te dire que tu ne tirerais rien d’elle, qu’elle mettrait ton plan à péril à parler sans aucun filtre. Mais tu n’avais guère le choix, tu avais un élément sur elle, contrairement aux autres. Et pour cela, tu sortais la carte de l’émotion, relativement inédite et peu utilisée, c’était le joker quasiment flambant neuf que tu exhibas, employant des mots qui auraient pu faire pleurer dans les chaumières. Mais à cela, elle te proposait une alternative, marcher. Marcher à risquer se faire attaquer dans les rues alors que ton véhicule resterait là, seul, à la vue de Xavier qui pourrait découvrir ta machination. Seulement, tu n’avais pas le choix, il ne te laissait pas le choix, car tu te rendais bel et bien compte que toutes tes leçons prodiguées avaient été apprises, acquises et qu’à présent, il te surpassait, bien que tu ne sois pas prêt à dire ton dernier mot sans montrer une quelconque résistance. Le loup ne comptait pas mourir sans se débattre, voire se battre. Tu comptais protéger les tiens, et ne laisser aucun grain de sable venir enrayer les rouages de la machine que représentait ton empire. Et dans le cas présent, tu tenais également à garder un œil sur ton ainé. « on peut fumer dans la voiture, petit privilège, donc si vous voulez, vous pouvez le faire. Mais si vous voulez que je vous raccompagne à pieds, alors soit. Ce n’est pas l’air frais qui me fera du mal, me direz-vous » . Non, juste que cela contrariait fortement tes prévisions, t’obligeant à recalculer les risques, et redistribuer des cartes qui se voulaient être faussées dès le départ. Tu savais dans quoi tu t’engageais, elle non sous ton regard qui scrutait chaque geste, chaque sourire timide et qui la trouvait parfaite dans le rôle que tu comptais lui attribuer. Oui, à en mériter un Oscar si elle se débrouillait bien, ou du moins assez de récompenses pour qu’elle se sorte du pétrin et qu’elle n’écrive son histoire loin des tourmentes que devait être sa vie actuelle…
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Lila Holden
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Lila Holden

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Sam 30 Mai - 13:43

Parfois, avant de s’endormir le soir, elle fermait les yeux et luttait contre le sommeil en imaginant ce que pourrait être sa vie si les portes, au lieu d’être invariablement closes, s’’ouvraient au rythme de ses pas. Un oscar doré entre les mains, un compte en banque bien fourni, la gloire et la célébrité, la reconnaissance du milieu, les louanges de la critique, le moelleux des tapis rouges, les robes de créateurs et les flashs de appareils photo. Déjà, elle avait dessiné mentalement les plans de sa maison idéale, forteresse immaculée en équilibre au-dessus du pacifique, piscine à débordement dont l’azur de l’eau se confond avec celui du ciel, un hamac accroché entre deux palmiers, une hacienda moderne avec des arches en pierre étouffés par les rayons écrasants du soleil, la chaleur suffocante de la Californie. Peut-être qu’elle envisagerait, en plus du jardinier, d’embaucher un chauffeur pour la conduire sur les plateaux de cinéma, aux avant-premières, sur le red carpet. Elle voulait sortir d’une limousine pétrole et poser son talon verni au sol, dévoiler une jambe fuselée et une robe pailletée, être acclamée par une armada de fans hystériques, être conviée sur les marches à Cannes. « C’est agréable de se faire ouvrir la porte ? » Ce qui lui plaisait le plus dans le fait d’avoir un chauffeur, ce n’était pas tant s’éviter d’appuyer sur les pédales et de poser ses mains sur le volant en gardant les yeux sur la route ; c’était surtout la métaphore de la porte ouverte sur un endroit confortable et privatisé, un siège en cuir et mille petites attentions. La bouteille d’eau à disposition, la musique qui donne des couleurs au trajet, la climatisation parfaitement réglée. Elle voulait un oscar, une maison près de l’océan et, désormais, un chauffeur. « Comment on fait pour gagner suffisamment d’argent pour s’offrir les services d’un chauffeur. C’est quoi qui pèse le plus dans la balance selon vous, le travail ou la chance ? » Elle devenait sérieuse, employait un ton un peu grave, elle voulait réellement connaitre le secret (si tant est qu’il en existait un). Elle avait travaillé, appris, tout sacrifié et pourtant, elle demeurait une actrice ratée, une anonyme, une étoile éteinte. Les efforts restaient vains et elle n’était pas certaine de pouvoir en fournir davantage sans obtenir quelques encouragements au préalable.
Malgré l’insistance de l’homme d’affaires, elle persistait et refusait catégoriquement de grimper dans son véhicule. Sans en avoir vraiment conscience, elle savait qu’elle n’était pas digne d’une telle voiture, qu’elle dénoterait dans un tel écrin de luxe. Dans son monde, il y avait des monospaces, des moteurs flemmards, des carrosseries poussiéreuses, des intérieurs en tissu imprégnés de l’odeur du tabac froid et un sapin accroché au rétroviseur. Il prétendait craindre pour sa sécurité, selon ses dires, les rues étaient dangereuses dans l’obscurité malgré les initiatives de la municipalité. Pourtant, elles le seraient tout autant demain soir et les jours d’après. L’emploi du temps de Tom Lussier ne permettait clairement pas d’y intercaler le -chaperonnage- de Lila après son service. « On nage en plein délire ! » Sa proposition lui semblait tellement ubuesque qu’elle se sentait presque insultée. Oui, il avait les moyens financiers d’offrir à Lila un chauffeur attitré mais aucune raison valable de faire preuve d’une telle générosité envers elle. « J’ai à peine les moyens de m’acheter une paire de chaussures neuves, qu’est-ce que vous voulez que je fasse d’un chauffeur ? Et puis, je n’ai pas peur. C’est vous seul qui êtes arrivé à cette conclusion. Je n’ai pas besoin qu’on me raccompagne, qu’on me tienne la main et qu’on me dise de faire attention avant de traverser la rue. » Fatiguée, elle s’agaçait en approchant de la vitre teintée du SUV allemand. Il fallait qu’elle comprenne quel sens avait cette discussion, elle voulait s’échapper de l’absurde. « Pourquoi vous voulez faire tout ça pour moi ? » Ce n’était clairement pas par générosité. Lila était invisible, la cinquième roue du carrosse, celle dont on se préoccupait pas, une petite main de l’ombre qui permettait à l’économie mondiale de tourner, une tête d’épingle dans un océan de requins dont Tom faisait partie. Personne ne lui avait tendu la moindre main depuis le jour où elle avait débarqué à Hollywood, on se servait d’elle, on lui promettait la lune mais rien ne se concrétisait jamais. Elle revenait inlassablement à la case départ, tout en bas de l’échelle. « Vous devez mal le connaitre le maire... » Elle haussait un sourcil désapprobateur dans une réflexion déplacée, elle connaissait Vranken de loin et elle ne pensait pas se tromper en le qualifiant de -pervers-. « C’est étonnant qu’il ne soit pas encore venu -boire un verre- au Pussycat. » Par -boire un verre- elle voulait dire -trouver une proie-, -mater des gamines-, il avait ses mauvaises habitudes au 83, la langue et les mains baladeuses, Nora, sa meilleure amie, dans ses filets. Il appartenait à ses hommes avides de pouvoir, il dissimulait ses pensées abjectes sous des costumes parfaitement taillés, était aussi dangereux que sa plume était aiguisée. Lila l’avait compris trop tard, après avoir poussé son amie dans ses bras. « C’est vous qui avait parlé de retraite en premier, moi je disais juste que... » Une fatigue lancinante commençait à la gagner, ses paupières étaient lourdes, son esprit embrumé. Elle était éveillée depuis l’aube, presque deux tours de cadran sans dormir. Le matin elle allait à l’université pour suivre ses cours d’art dramatique, l’après-midi elle filait sur les planches du théâtre de la ville pour répéter son texte et ensuite, il fallait faire la mise en place du Pussycat, le service, et la fermeture. Délicatement, elle frottait ses yeux et frictionnait ses bras, le vent glacial s’engouffrait sous sa veste, sur le bord du trottoir il n’y avait pas de sièges chauffants. Alors, elle proposait qu’il abandonne son confort (auquel il s’était trop habitué) pour la rejoindre dans son monde humide et poussiéreux, celui des graffitis sur les murs, des déjections canines sur le macadam, des réverbères qui clignotent, des poubelles éventrées qui jonchent le caniveau. S’il tenait vraiment à sa sécurité, il n’avait qu’à sacrifier la sienne en guise de preuve, salir ses mocassins italiens en cuir, les poser sur un sol impur (loin du marbre qui pavait son manoir, du parquet massif point de Hongrie de son bureau, des tapis tissés mains en laine moelleuse, goûter au béton qui écorche. « Non, parce que je ferai forcément tomber une cendre sur le siège, ça va l’abimer et même si vous êtes très aimable avec moi... je vous ai vu avec Xavier... vous ne pourrez pas retenir votre colère. » On ne devenait pas Tom Lussier en rendant service à des inconnues (aussi charmantes soient-elles), on n’amassait pas tant d’argent et de pouvoir juste avec des sourires et des poignées de mains. Dans l’ombre, il élevait la voix, tapait du poing sur la table, semait la terreur, dictait ses règles, imposait le respect. « Je ne veux rien Monsieur Lussier, encore une fois, je peux rentrer seule et vous avez sûrement mieux à faire. » Déjà, elle détournait le regard, faisait un vague signe de la main pour le saluer et s’éloignait du véhicule aux jantes chromées pour laisser ses pas la reconduire jusqu’au petit appartement qu’elle partageait avec son frère. Deux pièces en plein coeur de Village des Crêtes, confortable mais rudimentaire, le strict nécessaire. Les seules excentricités se trouvaient dans la penderie de Lila, des paillettes, des strass, des plumes, des froufrou, des dorures, les vestiges d’une vie Hollywoodienne infiniment plus colorée et excentrique. L’époque où elle croyait farouchement en ses rêves, où elle n’avait pas besoin de les imaginer le soir, dans son lit, avant de s’endormir.
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Tom Lussier
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Dim 30 Aoû - 19:07

Posséder la fortune ouvrait bien des portes, offrait des privilèges dont Tom n’avait aucune honte. Fallait-il se priver pour essayer de ne pas se montrer trop imbu de sa personne, pour éviter la jalousie ou les murmures derrière son dos ? À quoi bon se restreindre pour ne pas choquer ceux qui étaient le plus dans le besoin, ceux qui n’appartenaient en aucun cas au monde dans lequel gravitaient les Poirier, Poulin et Lussier. Comme Lila Holden, cette jeune femme qui interrogeait l’homme d’influence, dont la soif de pouvoir se voulait sans fin. Cette insatiabilité ne jetait quand même pas de voile sur sa méfiance, sur son besoin de protéger ses arrières, mais également – voire surtout de garder un œil sur son fils, son héritier. Et qui trouver de mieux qu’une employée, qui avait un goût prononcé pour la comédie et qui semblait inoffensive ? Les cartes s’étaient présentées aux yeux du quinquagénaire comme une évidence, comme la solution adéquate aux éventuels soucis  d’un hasard fluctuant. Rien n’était écrit par avance, et jamais – ô grand jamais – il ne s’était préparé à recevoir une telle remarque de la demoiselle, avec une interrogation innocente qui le laissait pantois. Quelques secondes de réflexion furent nécessaires afin d’éviter un éclat de rire qui aurait ruiné les plans initiaux. « ce n’est pas le plus désagréable, mais cela reste relativement plaisant » . Tom ne ressentait pas d’euphorie particulière à se faire servir, à voir la portière s’ouvrir dès lors qu’il s’approchait du véhicule. Pourtant, il préférait pleinement conduire lui-même, ne pas avoir de comptes à rendre à rendre sur les destinations choisies par ses soins. Préserver une certaine part de liberté lui était bénéfique, surtout avec cette liaison extraconjugale qui pourrait se retourner contre lui si un jour une guerre se déclarait entre Veronica et lui. Une qui serait sans fin, où tous les coups bas seraient permis, et il était évident que le quinquagénaire ne comptait en aucun cas lui laisser une longueur d’avance ou l’opportunité de blesser celle qui comptait le plus à ses yeux d’acier. Car malgré son absence évidente de coeur ou de la moindre sympathie à l’égard de bon nombre de personnes, il fallait croire qu’un petit bout de femme de vingt ans sa benjamine avait eu raison de la froideur de son myocarde et lui avait insufflé assez d’énergie pour que des battements puissent être décelés au monitoring. Mais le précieux était gardé sous clef et ne s’affolait en aucun cas face à celle qu’il comptait mettre dans sa poche, à coup de belles paroles, de douceur faussée et de billets à foison si elle acceptait le marché qu’il avait en tête. Et surtout s’il jouait ses cartes habilement et non comme un joueur inexpérimenté qui se tentait au poker pour la première fois. La proposition était des plus ridicules et à vouloir tendre la main vers Lila, le retour s’était voulu expéditif, tel un revers des plus inattendus qui avait laissé Tom Lussier sur les fesses et au sol. 1 – 0 pour la demoiselle, et il lui fallait bien rapidement retrouver une certaine contenance et oublier cette déconvenue pour ne pas perdre la face et voir son plan disparaître en fumée. Surtout que la colère de Lila le heurtait de plein fouet, tentant tant bien que mal d’effacer le sourire qui barrait ses lèvres. Par courtoisie, par férocité déguisée en gentillesse. Tel le méchant loup portant le costume de l’agneau blanc. Une légère inspiration pour retrouver une certaine contenance et un geste vague de la main pour effacer ce malencontreux faux-pas, Tom la dévisagea et prit la parole, le ton posé, aucun mot ne dépassant l’autre. « j’ai ainsi fait fausse route, et j’émettais cette hypothèse, vu que vous sembliez vouloir à quoi s’apparentait la vie avec chauffeur, pouvoir donner un ordre plutôt que de le recevoir, être choyée comme une princesse et ne plus être la Cendrillon de patrons qui n’auraient aucune considération à votre égard. Mais je tiens à m’excuser si je vous ai offensée » . Les mots lui coûtaient, lui arrachaient la bouche et il fallait faire profil bas, quitte à dire qu’il était désolé de s’être trompé, même s’il ne pouvait qu’à s’en prendre qu’à lui-même pour sa bêtise. Et être obligé de prononcer de telles paroles dont il n’était pas coutumier. qu’il trouvait indignes de sa personne, du chef de  clan qui ne devait de rendre de comptes à quiconque. Et pourtant, pourtant, il s’aplatissait, mettait un genou à terre devant la serveuse du club de son fils, qui semblait avoir compris que son aide n’était pas gratuite et qu’il attendait quelque chose en échange. Sourire en coin, et hochement de tête léger, et il se mit à tapoter légèrement sur son volant. Sans colère, sans sentiment aucun, si ce n’était sans doute la déception d’avoir été démasqué si rapidement. « vous êtes loin d’être sotte, et en effet, il se pourrait que mon aide ne soit pas innocente, et que j’ai envie de faire affaire avec vous » . Les mots étaient posés, tout comme des notes sur une partition qui n’était pas sûre d’être jouée, surtout lorsqu’elle mentionnait Lars, qu’elle ne semblait pas porter dans son cœur. En effet, le maire avait cette particularité d’attirer les passions de ses admiratrices ou bien les foudres ou de ses détracteurs. Mais Tom n’avait pas ressenti le besoin de venir la contrarier, de lui dire que Lars et lui ne se quittaient pas, passaient des week-ends à refaire le monde et se livrer leurs plus sombres secrets. Alors, la pique ou la remarque – quelque peu – déplacée quant au potentiel client absent du Pussycat. Le sourcil s’arqua, et un éclat de rire résonna dans l’habitacle de son puissant véhicule. « sans doute devriez-vous suggérer à ce qu’on lui fasse parvenir une invitation ? » . Aucun mot de plus, quant à ses obligations de maire ou autre détail de sa vie personnelle qui ne méritait nullement d’être déballé sur la voie publique. Le puissant homme d’affaire préféra se taire, se concentrant davantage sur ce que Lila lui servait avec son âge. La maison de retraite n’était pas prévue pour les jours, les semaines ou les mois à venir. « c’est juste que … ? » , la poussa-t-il à poursuivre, en remarquant toutefois la fatigue de la frêle jeune femme. Certes, il n’était pas non plus au point de partir faire une nuit sans dormir, parce qu’il avait quand même des responsabilités qui l’attendaient et qu’il ne comptait pas passer des heures en sa compagnie, surtout qu’il avait parfaitement compris que la jeune femme ne tenait pas particulièrement à monter dans l’imposant SUV, et qu’il devrait alors user ses chaussures sur le bitume, à sentir les effluves des bas-fonds de la ville envahir ses narines, sans compter le froid que son costume ne parviendrait pas à parer. Tom serrait les dents, prêt à laisser l’odeur de la cigarette imprégner ses précieux sièges, derniers efforts pour ne pas avoir à sortir du confort dans lequel il était habitué à évoluer au quotidien. Même tes dernières armes s’apparentaient à des coups d’épée dans l’eau. « ses sièges peuvent résister à quelques cendres… ainsi, vous m’avez vu avec mon fils, et vous en faites de telles déductions ? Soit… si cela peut alors vous rassurer, je ne vous raccompagnerai pas en voiture, mais à pied, laissant alors encore plus de distance entre nous, et je vous exposerai alors ce à quoi je pense » . Le grand Lussier rendait les armes. Certes, trop facilement, trop rapidement, mais il ne comptait pas non plus embarquer Lila de force dans son véhicule, d’avoir une plainte aux fesses, ce qui ferait alors très mauvaise impression à la une des journaux et obtenir une aussi mauvaise réputation que son meilleur ami. Tom la regarda s’éloigner après un laïus qui l’agaçait, encore une fois, et face auquel il ne pouvait se montrer aussi intransigeant que dans le monde des affaires ou avec des membres de sa propre famille. Mais elle n’était pas obligée de le découvrir dans l’immédiat, et il ne put que sortir, fermer le véhicule afin de ne pas risquer un quelconque vol. qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire pour tenter de protéger ses arrières et surveiller celle de son héritier ? Tom soufflait et espérait réellement que les efforts ne seraient pas vains. Il pressa le pas, maudissant le caractère quelque peu impétueux de celle qui était censée être toute douce, toute fragile. Manipulable à souhait, un petit pion innocent à avancer sur l’échiquier de la stratégie, un joker gardé précieusement dans sa manche, un coup de bluff à réduire à néant ses ennemis qui sous-estimaient le moindre atout, aussi infime fut-il. « Lila, attendez-moi. » . Nullement un ordre, du moins presque. Il arriva à sa hauteur et posa sa main sur son bras, pour l’arrêter. « vous ne voulez rien, mais je peux vous offrir ce dont vous rêvez, même secrètement. Écoutez, vous êtes loin de la réussite, des strass, des paillettes, mais vous travaillez pour mon fils, dans son club. Loin de la carrière que vous visez. Ce ne sont pas les étoiles qui clignotent au-dessus de vos têtes, juste des néons poussiéreux. Et je ne pense pas que Xavier vous permettra d’atteindre la lune, de la caresser du bout des doigts. j’ai besoin de votre aide, Lila. De votre fragilité, de votre innocence qui peut vous servir, et me servir. Dans ma quête, celle qui pourrait devenir la vôtre. Mais la question demeure : me suivriez-vous ? » . Sans exposer davantage ses plans, sans se mouiller et dire à voix haute ce qui se tramait dans son esprit, pour éviter que tout ne tombe à l’eau et qu’il ne se retrouve alors démasqué. Ainsi, Tom lui laissait le choix : se lancer dans un projet fou ou renoncer.  
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Lila Holden
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Mer 18 Nov - 1:39

Son père vendait des bagnoles d’occasions entre Lexington et Cincinnati, des antiquités poussiéreuses aux moteurs ronflants. Il passait sa semaine à arpenter les routes dans l’espoir de refourguer à des collectionneurs ses carcasses de Chevrolet des seventies, pendant ce temps, son épouse s’occupait de la maison et de la marmaille. Une tribu énergique et affamée, cinq mômes en pleine croissance. La famille Holden ne roulait pas sur l’or. Les vêtements et les jouets des ainés étaient refilés aux cadets, on ne partait en vacances qu’une année sur deux et, dans les petits plats confectionnés par maman, nulle trace de truffe ou de safran. Il était nécessaire de se serrer la ceinture et certaines fins de mois étaient plus compliquées que d’autres mais Lila n’était pas malheureuse. Elle partait toujours à l’école avec quelque chose dans le ventre et des vêtements propres, à chacun de ses anniversaires elle avait droit à des cadeaux, des ballons, un gâteau à l’effigie de ses idoles de l’époque : Cendrillon et ses copines. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer l’allure que pouvait avoir la vie lorsqu’elle allait de paire avec une montagne de fric.
Probablement qu’elle aurait eu une immense chambre, rien qu’à elle. Le partage serait resté au rang des -notions abstraites- et les contacts hauts-placés de ses géniteurs lui auraient probablement permis de décrocher un rôle à Hollywood. Elle se voyait déjà, dans un peignoir de soie, trainer des pieds jusqu’à la table du brunch. La profusion de bouffe, de vitamines, de fruits colorés, les pyramides de pancakes, les bulles avant midi qui s’éclatent contre le cristal.
La table du petit-déjeuner, dans son Kentucky natal, c’était une épaisse planche de bois brut, deux mètres de miettes éparpillées sur la longueur, des disputes pour le jouet offert avec la boite de cornflakes et l’odeur d’un café industriel entre deux prières de sa mère qui remerciait le ciel.
Non. Lila on ne lui ouvrait pas la porte. Au mieux on la lui claquait à la gueule.
« A minuit, le carrosse redevient citrouille. » Elle ne voulait pas avoir un aperçu de l’existence fastueuse du clan Lussier le temps d’un trajet en voiture, elle voulait la conquérir au prix d’efforts indicibles, que les douze coups ne sonnent jamais. Il s’excusait et elle répondait d’un simple haussement d’épaules, le mal était déjà fait, présent dans tous ses sous-entendus dégradants. Peut-être qu’il espérait lui ouvrir les yeux en lui rappelant qu’elle appartenait pas à son monde mais qu’elle en était au service ; il ne se doutait pas à quel point elle était très consciente de sa situation. « La considération, ça ne paie pas le loyer. » Elle lui répondait avec une lucidité désabusée. Pour Mandy et Xavier, elle était remplaçable à tout moment, assise sur un siège éjectable qui lui serait fatal à la première erreur. Elle avait couché avec le premier pour obtenir le poste et avait accepté toutes les conditions du second pour le conserver. « Je ne suis pas de la poudre à canon. J’ai pas envie d’être sacrifiée comme un pion pour vous permettre d’atteindre votre objectif. » Il prétendait avoir besoin de son aide et son instinct aguerri lui signalait que les affaires qui sont conclues sur un trottoir à cinq heures du matin ont toutes les chances d’être louches ou illégales. Méfiante, elle croisait les bras contre sa poitrine et arquait un sourcil interrogateur, le direction que prenait la discussion ne l’enchantait pas. « Je n’ai pas les moyens de perdre ce boulot. Déjà que votre fils me trouve incompétente ... » Si un jour elle devait se faire virer comme une malpropre, elle était certaine que ce serait une décision de Xavier. Au moins Mandy tirait pas la gueule en permanence, lui faisait quelques sourires, échangeait quelques mots avec elle. Xavier, lui, préférait asseoir son autorité dans l’ombre, faire régner un climat de terreur, la fusillait du regard. Ce n’était pas le seul, en ville, à avoir un regard désarmant.
Lars Vranken avait aussi cette particularité et c’était probablement pour ça que Nora était si facilement tombée dans ses filets. Puis, elle avait eu l’occasion de le croiser à de nombreuses reprises au 83, on était loin de l’image publique parfaitement sous-contrôle, du politicien proche de ses administrés dans ses costumes impeccables, celui qui récitait des discours où chaque mot était pesé. Dans les banquettes en velours du club de strip-tease, il redevenait un homme et clairement pas le meilleur d’entre eux. Un type abject aux comportements rustres, à l’oeil vitreux et aux mains baladeuses. Un pervers dégueulasse qui matait des culs, ceux de mômes qui avaient la moitié de son âge et qui rêvaient de pouvoir et d’argent.
Elle était tombé dans le panneau mille fois à Los Angeles.
« Non, j’ai aucune envie de le voir ici. De toute façon, il préfère les bars à putes. » Les mots avaient quitté ses lèvres sans qu’elle n’en prenne la réelle mesure, la fatigue amplifiait la vulgarité et son besoin viscéral de cracher la vérité sans l’emmailloter dans une jolie boite. C’était trop facile de se voiler la face, de cautionner les actes des uns et des autres au seul prétexte qu’ils avaient une meilleure place sur l’échelle sociale. « C’est juste que... je suis fatiguée. » Ses yeux étaient rougis, un peu humides. Elle sentait le froid s’engouffrer dans les mailles de son manteau, rêvait de la chaleur rassurante de sa couette en tremblant, un peu. Elle n’était pas simplement fatiguée par sa nuit de travail, elle était épuisée par une décennie d’efforts vains, de rêves brisés et de tournages nauséabonds. Moralement, elle se situait entre le trente-cinquième et le trente-sixième dessous, au bord du précipice. « Je veux rentrer chez moi. » Elle répétait d’un ton las, véritablement à bout de forces. C’était un miracle qu’elle soit encore debout, elle n’en pouvait plus de cette interminable discussion qui ne menait à rien, de son insistance pour qu’elle grimpe dans le véhicule présidentiel. La gorge nouée, elle tournait les talons, s’enfonçait dans la nuit et ses ruelles silencieuses. Sauf qu’il la rattrapait, encore, posait une main presque compatissante sur son épaule et elle comprenait qu’il ne la laisserait pas avant de lui avoir soumis son plan.
Il commençait par lui promettre la lune, monts et merveilles, comme d’autres avant lui. Cruellement, il faisait le point sur la situation, sa non-carrière, insistait sur les néons poussiéreux. Tout aussi poussiéreux que les voitures que vendaient son paternel. Comme tous les autres avant lui, ces producteurs véreux, ces réalisateurs obscènes, il avait besoin de son innocence. Celle portée par ses deux immenses yeux bleus, son corps tout chétif, sa voix un peu fluette. Pourtant, elle l’avait perdue depuis bien longtemps son innocence, entre Rodeo Drive et le Walk of Fame. « Vous prenez du plaisir à remuer le couteau dans la plaie ? » Vexée, elle accélérait le pas, espérait le semer, qu’il renonce à poursuivre cette escapade nocturne dans l’un des quartiers les plus mal famés de Trois-Rivières et retourne sur son ile de privilégiés. « Vous n’êtes pas le premier à me promettre la gloire et la célébrité. Je sais ce que ça implique, je connais le prix à payer. Vous voulez mon innocence, ensuite ce sera mon corps et puis mon âme et ... moi, je serai toujours sous mes néons poussiéreux à essayer de transformer des citrouilles en carrosses. » Une imperceptible larme roulait sur sa joue lorsqu’elle repensait à toutes les fois où sa naïveté l’avait conduite à deux doigts de la catastrophe, elle se disait qu’elle pouvait bien tout accepter pour ses rêves, qu’après tous les sacrifices qu’elle avait déjà fait, un de plus, un de moins, quelle différence ? Sauf qu’elle avait essuyé trop de déceptions, de désillusions et qu’elle se savait entrainer vers les abimes par une force invisible qui finirait tôt ou tard par la consumer. « Je ne veux pas être une marionnette entre vos mains en échange d’un rôle minable dans un téléfilm. » Elle fermait brièvement les yeux, sentait poindre une migraine douloureuse. Dans un ultime effort, elle articulait en ralentissant ses pas, regrettant presque d’avoir refusé de se faire conduire. « Et puis, je ne suis même pas innocente... » Et ça, Boyd finirait par l’apprendre, tôt ou tard, et elle deviendrait une pestiférée, seule, sans-le-sou et inconnue du grand public. Abattue, elle se laissait tomber sur banc, le visage entre ses mains glacées, il fallait se rendre à l’évidence : il n’y aurait pas de lendemains qui chantent, demain serait pire qu’aujourd’hui. Combien de temps avant que Boyd ne lui tourne le dos, que les problèmes de fric s’ajoutent à tous les autres ? Combien de temps avant de renoncer officiellement au grand écran et aux films en costumes pour ceux à poil ? Bientôt, elle n’aurait plus qu’un seul choix : celui de sa survie.
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