le premier décembre vient à peine de pointer son nez et tu pensais déjà que la magie de noël ferait son effet sur les gens en les rendant plus dociles à l'idée de recevoir pleins de cadeaux sous leurs sapins ou tu ne sais quoi. peut-être qu'en fait la magie ne faisait effet que sur toi au vu des événement puisque clairement, tu t'es trompée et que tu es rarement aussi aveuglément optimiste. les décorations et lumières sur les lampadaires, les boules de noël et guirlandes autours des fenêtres ainsi que les pères noël suspendus aux balcons ne sont qu'une illusion et tu l'as un peu trop oublié. le marché de noël a beau avoir commencé, les gens ne sont pas vraiment dans l'esprit des fêtes et te semblent même encore plus grognons que d'habitude maintenant que tu y portes attention. tu ne peux t'en vouloir qu'à toi-même d'avoir pensé que tu arriverais plus facilement à obtenir des informations de ce caïd en cette période qu'à un autre moment. si t'as cru que l'idée de passer prochainement du temps en famille autour d'un feu de bûches en mangeant une bonne dinde allait t'aider à l'amadouer, tu t'es clairement gourée et ton bras potentiellement cassé te le rappelle douloureusement. impossible d'aller aux urgences, tu refuses très clairement de laisser la moindre trace de tes blessures à répétition dans les fichiers d'un hôpital, ça risquerait de se retourner contre toi et c'est bien trop dangereux. tu te recoudrais bien toi-même s'il ne s'agissait que d'une plaie et tu serais même capable de remettre un épaule en place, mais tu risques d'avoir des douleurs bien au-delà de nouvel-an si tu ne t'assures pas que les os soient alignés pendant qu'ils géruissent. tu fais de ton mieux pour ne pas glisser sur la neige qui entoure ta voiture - automatique heureusement sinon tu ne serais pas parvenue jusqu'ici - en maudissant ces rues éloignées du centre-ville qui semblent éclairées à la bougie tant elles sont sombres. tu ne serais pas venue là si tu avais le choix, mais tu ne vois pas d'autres options. depuis le seul incident pour lequel tu t'es permise un passage aux urgences - tu avais les côtes cassées, il te fallait quand même un peu de morphine le premier jour - tu as décidé de mettre toutes les chances de ton côté en te faisant passer pour une pauvre femme battue prise dans une relation toxique pour attirer sa sympathie. ce n'est pas tout à fait faux si on considère que la relation est avec la vérité et qu'en cherchant à la connaître tu te bats souvent, mais c'est une interprétation assez improbable de la situation. quoi qu'il en soit, c'est grâce à cet enjolivement de situation que tu as pu compter sur le soutien de boyd dont tu comptes clairement profiter en ce moment puisqu'il t'avait dit pouvoir t'aider en cas d'urgence. te voilà donc devant chez lui, contrainte de lâcher ton bras accidenté pour sonner.

@boyd holden (désolée, ça a tardé et c'est franchement bof j'espère que ça te convient, je peux changer la fin si besoin )

cela faisait peut-être un quart d'heure que boyd regardait, le front collé à la vitre froide, les flocons de neige tomber avec une densité et une régularité minutieuse. c'était presque comme une danse, certains volaient en cercle, d'autres tombaient raides contre le sol froid. ça ressemblait assez distinctement au jeu de la vie que boyd observait chaque jour dans son travail : pour une même infection, un même virus, une même attaque, certains tournaient en rond et d'autres en tombaient. raides. c'était le jeu du hasard, le motif de ces cartes distribuées aléatoirement au début de nos vies. avec la bonne combinaison de chiffres et de figures, on réussissait à passer entre les mailles du filet tendu à chaque coin de rue.

boyd quitta un instant le coin de sa rue, qu'il avait en ligne de mire, pour se tourner avec une résolution sourde vers cet appartement, devenu vide, trop grand, insignifiant, triste et désolé. il y faisait froid, il n'allumait qu'à peine le chauffage, lui qui y était si peu. le frigo était tout le temps vide, normal, c'était lila qui faisait les courses à une époque, elle avait cette capacité magique à créer des plats à partir de trois miettes de rien, une imagination pour assembler couleurs, goûts, sucré et salé, les inspirations de divers horizons. il avait beau retourner le problème dans tous les sens, lila épiçait son univers, on pouvait même dire qu'elle l’assaisonnait, puisque sans elle cet endroit n'était plus que vaste empire fade, ça commençait même presque à ressembler à l'hôpital.

son ventre se réveilla dans un gargouillis douloureux. avec peine, un boyd emmitouflé dans un épais pull jacquard s'extirpa du rebord de sa large fenêtre et se traîna jusqu'à cette petite cuisine vernie qui ne sentait plus rien de bon. dans le fond du congélateur, il trouva un plat préparé resté là trop longtemps. après avoir vérifié la date, il l'envoya tel quel au fond du micro-ondes, il n'avait plus l'intention de se raccrocher à quoi que ce soit. de toute façon, il partirait bientôt.

et puis soudain, ça donne.

une bouffée d'espoirs fous envahit boyd. c'est ridicule d'espérer revoir son minois constellé d'étoiles, ses fausses mèches blondes qui délavent. il se précipite à la porte et enclenche l'ouverture de la porte d'entrée sans vérifier. des pas lents grimpent l'escalier. un boyd fébrile observe pas le judas la silhouette sombre qui se détache dans la lumière vacillante de l'escalier. ce n'est pas sa soeur. ce n'est même pas fanny et son sourire qui lave le coeur après les pluies. c'est cette petite jeune femme qui serrait les dents à l'hôpital, les cotes douloureusement éclatées. ce petit bout d'être qui vivait une existence de souffrance auprès d'un homme dangereux. le coeur de boyd s'accéléra dans une montée d'angoisse. que faisait-elle sur le pas de sa porte, dans les premières heures de la nuit, avec un temps pareil dehors ? il ouvrit à la volée.

qu'est ce que.. il marmonna sans avoir même le temps de la laisser reprendre son souffle après l'épreuve des escaliers. qu'est ce qu'il se passe ? vous allez bien ? il tenta, la voix étouffée.

t'inquiète ma belle, c'était très bien je vois pas pourquoi tu dis que c'est bof, vraiment par contre j'ai mis une plombe à répondre, je suis désolée

si tu n'avais pas été élevée avec l'intention de faire de toi une arme de destruction et de séduction, tu culpabiliserais peut-être un peu de planifier d'utiliser la gentillesse de boyd pour te faire soigner sans que cela te mette dans une situation dangereuse. sauf que, depuis que t'es gamine, on t'a convaincue que le bien de la mission prime sur tout et que les éventuelles personnes que tu entraînerais avec toi ne sont que des dommages collatéraux. tu te justifies un peu en te rappelant que tu ne le mets pas en danger puisque tu ne lui fais commettre aucun acte illégal en l'incitant à s'occuper de toi. en plus, tu t'es assurée de ne pas être suivie tandis que tu faisais ton bout de chemin jusque chez lui alors personne ne risque de l'associer à toi et de s'en prendre à lui par vengeance. peut-être même que le fait de t'aider lui donnera la sensation d'avoir fait quelque chose de bien et l'incitera à en faire d'avantage pour les femmes battues, ce qui serait un plus, même si tu ne parviendras pas à convaincre qui que ce soit que c'était réellement un argument lorsque tu t'es décidée à sonner chez lui à cette heure-ci. t'as simplement écouté ta douleur et tes impératifs personnels et professionnels. il semble étonné de te voir comme ça chez lui quand il ouvre la porte et tu ne lui en veux pas puisque tu ne t'es pas exactement annoncée. il te demande ce qu'il se passe et si tu vas bien. tu es déjà dans ton personnages et c'est donc les larmes aux yeux que tu dis je ne sais pas ce qu'il lui a pris. il s'est soudainement énervé... tu restes vagues, sachant parfaitement que ta blessure au bras et les contusions sur ton corps lui transmettront le reste des explications. tu ne pourras pas utiliser cette excuse souvent sans qu'il fasse tout son possible pour que tu racontes ton histoire à la police, mais tu sais parfaitement que la femme battue qui pardonne à son mec n'a rien d'exceptionnel et que tu ne paraîtra donc pas plus bête qu'une autre si tu lui expliques que tu refuses de porter plainte malgré l'état dans lequel tu te trouves. tu espères néanmoins qu'il s'occupera de toi et de ta blessure avant de chercher à discuter d'avantage des événements ce qui te permettrait de partir si tu souhaites mettre un terme à la conversation après coup.

zéro problème ma belle