il avait à peine eu le temps de s’y faire, qu’elle était partie. aussitôt connue, aussitôt perdue. elle lui avait filé entre les doigts. ils n’avaient pas eu une vie facile, ni un ni l’autre. peut-être qu’au fond, leurs démons respectifs les empêcheraient toujours d’être heureux. il faut toujours que ce soit les femmes auxquelles il s’attache qui l’abandonnent. d’abord, la vie lui avait enlevé clara, puis maintenant voilà qu’il perdait alma. mais alma, c’était son choix que de partir. elle lui avait expliqué ses raisons; elle voulait s’éloigner de la ville pour se soigner à l’écart et pour reprendre sa vie en main, mais cette réponse l’avait tout de même laissé sur sa faim. owen avait mis du temps à se l’avouer, mais il avait développé de réels sentiments pour elle. et il n’avait pas eu l’occasion de voir si les sentiments d’alma étaient réciproques, ils n’avaient pas eu le temps de voir s’il y avait une histoire possible entre eux. cela l’avait plongé dans une déprime de quelques jours. pendant ces journées isolées, il avait pris le temps de réfléchir. puis, il avait réalisé qu’une personne pourrait particulièrement l’aider à y voir plus clair. reina. une personne qu’il avait rencontré aux réunions de narcotiques anonymes et qui était une bonne copine d’alma. ils avaient d’ailleurs eu l’occasion de discuter d’alma à quelques reprises, donc elle en saurait probablement plus que lui sur les réels motifs de son départ. il débarque chez reina dans baie jolie et toque à sa porte. quand elle lui répond, il est soudain envahit par la gêne de se trouver face à elle avec ses cernes, son air maussade et son haleine alcoolisée. « salut reina. ça va ? je viens discuter d’alma. je peux entrer ? » il préférait demander. elle pouvait être occupée ou encore être avec une fréquentation. il ne voulait surtout pas être celui qui interrompait ou qui s'imposait dans son quotidien, dans sa routine.

une sensation désagréable s'était immiscée en toi ces derniers jours. celle de ne pas savoir où tu pouvais bien aller. tu avais un job stable, ta famille dans la même ville, et tu contrôlais enfin ton addiction. tout semblait rouler. il n'y avait plus rien de travers, plus rien qui ne pouvait faire obstacle dans ta vie. et pourtant. ce foutu sentiment de liberté. cela faisait un an et demi qui tu étais arrivée à trois-rivières. beaucoup de choses avaient changé depuis ton arrivée. tout avait changé. et si tu pensais que la stabilité pouvait soigner tes plaies -ce qui s'est avéré véridique- tu avais maintenant le sentiment qu'elle allait laisser échappe toutes tes autres possibilités. habituée à une vie plus nomade, des voyages un peu partout dans le monde, et des nouvelles rencontres chaque jour, tu commençais finalement à ressentir le manque de cette liberté d'aller, de ces possibilités illimitées qui semblaient s'offrir à toi. tu avais l'impression d'être bloquée ici. tu ne voulais pas partir, car tu ne voulais pas quitter rose, ni quitter mandy. et il t'était aussi compliqué de te dire que tu pouvais partir sans tenter ta chance avec bonnie. tu es une femme d'action reina, qui normalement ne réfléchit pas trop longtemps avant de faire les choses. mais là tu pesais le pour et le contre, sans cesse, et tu ne rêvais désormais plus que d'une aventure -mieux, d'une relation- avec celle qui semblait être égale à une lumière. mais est-ce que même ton envie d'être avec bonnie était suffisante pour faire disparaître ton envie de voir de nouvelles choses ? tu avais soif d'ailleurs, comme ça a toujours été le cas. soif de plus. éternelle insatisfaite de ta vie, c'était ça ta malédiction.

rester ou partir.
telle était la nouvelle question qui trottinait dans ton esprit. esprit qui n'avait pas vraiment besoin de plus de doutes et de questionnements. grommelant en pyjama tout en zappant les chaînes de la télévision, tu la regardais sans vraiment le faire. encore une fois trop prise par tes propres pensées. main qui s'engouffrait rapidement dans un paquet de chips déjà bien entamé, tu faisais pitié à voir. mais une fois de plus, mandy n'était pas là. tu pensais que la colocation avec ton frère ferait que tu aurais l'occasion de le voir beaucoup, mais c'était mal connaître l'homme d'affaires qu'il était. toujours occupé. tu manques de t'effrayer quand on toque à la porte. pendant quelques courtes secondes, tu la regardes avec étonnement, avant de lâcher le paquet de chips et de te lever pour aller ouvrir. la surprise ne fut que plus grand en voyant qui toquait. "owen." tu ne pensais jamais le voir ici, chez toi, à toquer à la porte. plus encore, à venir te voir pour parler d'alma, et de son départ. "mon dieu je suis pas du tout présentable." soudainement inquiète de ton apparence -tu n'es même pas habillée, encore moins maquillée, toi qui ne sors jamais de chez sans être sur ton 31 !- tu reviens rapidement à la réalité. ça doit être le cadet des soucis de l'homme qui se dresse devant toi. "mais tu t'en fiches sûrement. pardon." te sentant ridicule, tu t'écartes de la porte d'entrée pour le laisser passer. "viens, entre." il était donc temps de parler d'alma. ce n'était pas ce qui était prévu pour ta soirée, mais cela vous fera sûrement beaucoup de bien de pouvoir éclaircir un peu la nouvelle de son départ.