tu t'installes à une table sans grande conviction. le temps est frais aujourd'hui, il pleut même très légèrement. tu t'habitues à montréal, avec le temps. son dynamisme, son côté cosmopolite et ses activités diverses. t'aimes cet endroit et pourtant, tu ne t'y sens pas particulièrement à ta place. parfois, t'as l'sentiment d'avoir été arraché à tes racines sans pour autant réussir à comprendre qui - sinon toi - pourrait en être responsable.
tu t'installes, tranquillement. t'as de l'avance, t'en as tout le temps. c'est peut-être le luxe d'être aujourd'hui interné dans une clinique qui accompagne les gens comme toi. le luxe de n'avoir rien à faire sinon penser à toi et à ce que tu comptes devenir. lorsque t'avais accepté la proposition de soane et quitté trois-rivières, t'avais averti ton employeur qui avait accepté de garder ta place au chaud pour ton retour. combien de temps ? t'avais demandé le premier jour. ça dépendra de vous, on t'avait répondu. t'avais pas compris, aujourd'hui, tu prends conscience des choses. l'angle est différent, forcément. ta sobriété nouvellement acquise ne tient qu'à ta volonté et à un fil. on te donne le droit de sortir mais on sait pertinemment ce que ça implique. quand la serveuse débarque, tu commandes un soft. t'as pas l'habitude, mais tu fais l'effort. quand elle apparaît dans l'embrasure de la porte, légèrement mouillée, tu souris un peu plus. elle en vaux la peine. (soane !) tu lances en levant la main. elle croit en moi, comme personne n'a jamais pu l'faire avant elle. alors tu lui dois bien un soda plutôt qu'une bière. tu lui dois même une cigarette plutôt qu'un joint. tu fais l'effort, pour elle. quand elle s'installe en face de toi, tu souris un peu plus (tu m'as manqué.) tu lui dis sans mentir. tu t'lèves pour l'embrasser, l'enlacer. la cure a commencé il y a déjà deux mois. on t'a imposé vingt-et-un jour de solitude mais t'avais pas trouvé le courage de revoir du monde tout de suite. aujourd'hui, t'as l'sentiment d'être moins bancal. ça t'rassure aussi.

ça ne t'arrivait pas très souvent de te rendre jusqu'à montréal. tu aimais pourtant bien la ville, mais tu ne faisais pas vraiment l'effort d'y aller régulièrement. cependant, aujourd'hui, tu t'y rendais pour retrouver ton frère tessan. et pour lui tu étais bien évidemment prête à faire tous les efforts du monde. tu pourrais traverser des océans pour le retrouver s'il le fallait. là, l'effort n'était que moindre. le trajet pour aller jusqu'à montréal représentait un peu moins de deux heures de temps. c'était passé à une vitesse folle. t'avais mis de la bonne musique dans ta voiture et tu arrivais finalement dans la grande et belle ville. tu avais mis un peu de temps pour trouver une place pour te garer. tu sortais ensuite sous la pluie, t'avais enfilé un manteau relativement chaud, un pantalon et des bottines. mais tu avais clairement oublié de prendre ton parapluie. tant pis. encore une fois, tu pourrais tout braver pour ton frère. et pour le coup, il ne s'agissait que d'une petite pluie légère. le lieu du rendez-vous n'était pas si loin, tu avançais rapidement et tu poussais finalement les portes avec un certain soupir de satisfaction en sentant non seulement la chaleur des lieux t'envahir, mais surtout en voyant le regard de ton frère se poser sur le tien. soane ! il te lançait en secouant sa main, le sourire jusqu'aux oreilles. tu pressais le pas pour le rejoindre, rapidement. toi aussi tu souriais. t'étais si contente de le retrouver. tessan ! tu lances en arrivant à sa hauteur alors qu'il te prenait dans ses bras. tu m'as manqué. tu le serrais encore un petit peu contre toi avant de t'asseoir sur la chaise en face de la sienne. toi aussi. tu souffles doucement en attrapant sa main. comment tu vas ? tu as l'air vraiment.. radieux. tu commentes en observant son visage. tu te doutais que l'épreuve était difficile à passer. en vérité, son visage trahissait quand même un peu d'épuisement face à cette situation. mais tu ne comptais pas le relever. non parce que tu sais que tessan s'en sortira. tu sais que ton frère est fort.

quand elle ouvre la porte, tu la remarques tout d'suite. dans sa tenue, l'air un peu déconfit par la pluie qui tombe dehors. tu souris, c'est plus fort que toi. la revoir, c'est retrouver un peu d'oxygène. elle t'a manqué, tu n't'en cacheras même pas. pas plus que tu n'oserais prétendre ignorer tout ce qu'elle traverse en ce moment et à quoi tu t'es soustrait depuis que t'es ici, à montréal. tu sais les épreuves qui lui tombent sur la tronche et t'aimerais pouvoir la soulager, c'est peut-être pour ça que t'es si content de la revoir. quand elle te retrouve enfin, tu l'entends souffler (tessan !) avant de venir se blottir dans l'étreinte réconfortante de tes bras. la famille est un espoir qui ne meurt jamais, quelque chose à quoi tu t'accroches de plus en plus avec le temps. soane est l'exact reflet de ta personnalité, l'exact reflet de ta vie, fondamentalement. elle te complète comme personne. la seule femme avec qui, jamais, tu n'souffriras d'rupture ou de trahison. t'es prêt à tout pour elle et tu sais que la réciproque est vraie. elle se détache, s'installe en face de toi. (toi aussi. comment tu vas ? tu as l'air vraiment.. radieux.) tu rigoles au terme employé mais tu sais qu'elle a raison. t'as repris des couleurs depuis que t'es ici. loin de tes démons, de tes problèmes, tu guéris. c'est pas facile tous les jours et t'es épuisé par les efforts que tu fournis au quotidien mais t'es content d'le faire. tu sais qu'elle te soutient dans tes démarches. (ça va bien, oui. j'ai l'impression d'avancer, c'est assez agréable comme sensation.) tu lui dis farouchement sans manquer d'être sincère, par dessus tout. on prend vos commandes et tu plonges à nouveau ton regard dans le sien. (et toi.. comment vas-tu ?) la dernière fois, tu l'avais trouvée éteinte, effacée et épuisée. elle t'avait parlé à demi-mots des problèmes qu'elle rencontrait. tu t'étais juré de l'aider et puis, t'avais à nouveau tout fichu par terre. aujourd'hui, t'es là, et tu comptes plus tomber. tu veux l'aider.

même si tu étais légèrement humide en entrant à l'intérieur de ce petit café, tu n'hésites pas une seule seconde à prendre ton frère dans tes bras. parce que t'avais l'impression que ça faisait une éternité que tu n'avais plus pu le faire. le serrer, le regarder, lui sourire et le voir sourire à son tour. ça te faisait un bien fou. surtout, tu remarquais qu'il semblait aller mieux. bien sûr, tu te doutes que le chemin risque d'être encore long et que tout ne pourra pas changer d'un simple claquement de doigts. mais t'es ravie de voir ce sourire sur ses lèvres, ravie de voir qu'il semble avoir retrouvé des couleurs, qu'il semble plus joyeux tout simplement. vous en avez traversé des histoires compliquées tous les deux. tu sais que c'est loin d'être terminé d'ailleurs. autant pour lui que pour toi. t'étais ravie aujourd'hui pourtant d'avoir pu lui avouer une partie de ta vie que tu gardais secrète jusqu'alors. il aurait pouvoir t'aider, mais la vie en avait décidé autrement. tu ne lui en voulais pas. jamais. t'étais en fait vraiment contente qu'il se trouve ici et qu'il fasse tout pour s'en sortir. c'était le plus important. ça va bien, oui. j'ai l'impression d'avancer, c'est assez agréable comme sensation. tu affiches un large sourire face à cette remarque. ça je veux bien te croire, et c'est tout ce que tu mérites ! tu affirmes sans la moindre hésitation. t'étais fière de lui aujourd'hui et tu espérais que tout cela continue dans cette direction. et toi.. comment vas-tu ? tu hausses un peu les épaules quand tu réponds, ça va.. je peux pas dire que ce soit la grande forme, mais je vais mieux, quand même. tu sais que t'as repris des couleurs toi aussi, que t'as retrouvé le sommeil aussi. j'ai déménagé, pour quelque temps. chez un ami flic. tu expliques. c'était bien ça qui te permettait d'aller un peu mieux.

t'aimerais faire plus, évidemment. mais à la clinique, on t'avait appris à prendre du recul et à faire preuve d'un peu de patience. tu ne peux pas t'occuper de tout, tu dois savoir où se situent tes priorités. et quand Soane t'avait convaincu de venir ici, tu lui avais promis de faire de ton cas ton unique priorité. à contre-coeur, bien sûr, tu la retrouves aujourd'hui avec ce sentiment âpre de culpabilité. néanmoins, son sourire efface tout le reste. t'es heureux de la revoir, de pouvoir la serrer à nouveau contre toi. tu n'hésites pas à lui parler de tes progrès qu'elle accueille avec un sourire monstrueux.
- ça je veux bien te croire, et c'est tout ce que tu mérites ! tu souris en coin. fier de pouvoir enfin lui prouver que t'es sur la bonne voie et que, toi aussi, tu peux t'en sortir. et puis, tu rebondis, profites de cette perche pour lui retourner la question en sachant pertinemment dans quelle sombre affaire elle trempe en ce moment. ça va.. je peux pas dire que ce soit la grande forme, mais je vais mieux, quand même. elle n'est pas livide, ta soeur, mais tu vois bien que ça n'va pas forcément bien pour elle et qu'elle ne doit pas dormir comme il le faut. ton ventre se tord, bien sûr. j'ai déménagé, pour quelque temps. chez un ami flic. voilà qui te soulage un peu. tu avances une main pour presser la sienne au centre de la table. ton air est plus grave et plus sérieux qu'à peine un peu plus tôt.
- ils en savent plus sur cette affaire ? tu lui demandes en rebondissant sur son ami flic pour savoir si l'enquête évolue dans le bon sens. ils savent ce qu'il s'est passé ? tu arques un sourcil, légèrement. anxieux, évidemment, et sincèrement inquiet.

tu ne pouvais que te montrer encourageante vis-à-vis de la situation actuelle de ton frère. t'étais ravie de voir qu'il allait de mieux en mieux. ça semblait lui faire du bien, ce qu'il vivait ici et tu espérais pour lui que les choses continuent dans cette voie-là. il mérite clairement d'être heureux, tessan. il mérite d'aller mieux. il semble en tout cas avoir envie de prendre ce chemin-là et c'était souvent ça le plus difficile finalement, de prendre la décision du chemin que l'on veut prendre. t'étais fière de voir celui qu'il avait choisi et ravie de le retrouver nettement plus en forme aujourd'hui. ton regard plongé dans le sien, tu parles aussi de toi. tu vas mieux, c'est vrai. tu sais que le fait de pouvoir te loger chez un ami flic t'aide grandement d'ailleurs. ça te permet de pouvoir souffler un peu et ça te rassure de le savoir dans les parages, au cas où. il faudrait peut-être que tu arrêtes d'être aussi parano.. mais en même temps c'était difficile de ne pas l'être avec tout ce qu'il s'est passé ces derniers temps. ils en savent plus sur cette affaire ? ils savent ce qu'il s'est passé ? qu'il te demande, il s'inquiète évidemment. toi tu hausses un peu les épaules, secouant aussi la tête quand tu lui dis, pas vraiment, non. ça ne semble pas avancer très vite.. je pense que ces mecs savent trop bien se cacher aussi. tu soupires doucement et tu continues de regarder ton frère. mais ça va aller tessan, je te le promets ! le fait que je ne sois plus toute seule dans un appartement me rassure déjà beaucoup tu sais. tu souffles doucement tout en continuant de le regarder avec un petit sourire en coin. tu veux qu'il se concentre sur lui avant tout. tu veux qu'il aille vraiment mieux et qu'il ne passe pas son temps à se faire du soucis pour sa soeur.

très vite, t'oublies tes problèmes. tu te concentres sur elle. ce qui peut paraître ironique après toutes ces années d'absence. t'as jamais été l'frère dont elle avait désespérément besoin. sinon, elle n'en serait sans doute pas là aujourd'hui. vous vous êtes manqués, parfois de peu, mais souvent de loin. pour autant, t'es bien décidé à changer et à d'venir quelqu'un d'meilleur. et si cette cure doit t'aider à y voir plus claire, l'affection que tu portes à ta soeur est aujourd'hui d'une évidence frappante.
- pas vraiment, non. ça ne semble pas avancer très vite.. je pense que ces mecs savent trop bien se cacher aussi. ça ne te rassure pas un seul instant. mais ça va aller tessan, je te le promets ! le fait que je ne sois plus toute seule dans un appartement me rassure déjà beaucoup tu sais. tu arques un sourcil, sans sourire. le fait est que tu tiens trop à elle pour envisager qu'il puisse lui arriver quoi que ce soit.
- et ce flic chez qui tu dors. tu rebondis, tu lâches pas l'affaire. t'es pas du genre teigneux mais t'as besoin d'être rassuré. tu n'supporterais pas d'être confiné dans cet endroit, loin d'elle, si c'est pour la savoir en danger. on peut lui faire confiance ? c'est une question rhétorique. la place du nous est mal choisie mais peu importe, tu t'impliques dans cette histoire. tu veux être sûr qu'il ne lui arrivera rien de grave. je suis sûr qu'ils accepteraient que tu dormes ici, si on leur explique la situation. tu lui lances, en souriant cette fois. t'as besoin d'la savoir safe, peut-être est-ce toutes ces années à n'avoir joué aucun rôle particulier au sein d'ta famille qui t'rend à ce point possessif aujourd'hui. sans drogue, sans aliénation, ta soeur est devenue la seule constante et la seule chose à quoi tu as désespérément besoin de t'accrocher.