owen avait mal dormi. il avait rêvé à clara toute la nuit. son rêve avait été doux, tendre et beau. que du positif. que les bons souvenirs de ce qu'ils avaient été. avant que l'état de clara se détériore. c'est fou comme elle lui manquait. tout d'elle lui manquait. la douleur était encore bien présente, comme si on lui avait arraché la moitié de lui-même. il faudrait encore bien du temps avant que la douleur s'apaise. rien de fonctionnait. sauf la drogue. une fois, il lui était arrivé d'en prendre. ça avait un peu atténué sa douleur le temps de quelques heures. il s'efforçait de ne pas y re-toucher depuis. mais c'était difficile. c'est pour cela qu'il avait commencé les thérapies. encore fatigué et cerné de sa nuit agité, il se rendit à sa thérapie. il arriva un peu d'avance, étant tanné de tourner en rond chez lui. et c'est à ce moment qu'il la vit. belle comme le printemps, elle dégageait quelque chose de doux et de chaleureux. elle avait la même odeur sucrée qu'avant. il l'avait retrouvée. il devait être encore en train de rêver...il était tellement fatigué. elle avait hanté ses nuits et maintenant elle hantait ses journées aussi. mais il ne se lasserait jamais de sa présence. que ce soit en personne, en souvenir ou en rêve. "clara, c'est toi ?" il dit cela avec tant d'espoir. au plus profond de lui, il espérait que ce soit elle. si elle était pour lui réapparaître à chaque fois qu'il venait ici, il allait continuer à le faire aussi longtemps qu'il le faudrait. c'est comme si clara veillait sur lui. avec un peu de chance,  peut-être que ça l'aiderait à s'en sortir avec le temps...

aujourd'hui, tu assistais à une nouvelle réunion. il est vrai que tu avais commencé un peu à espacer tes venues aux différentes thérapies. parce que cela faisait plus de six ans à présent que tu n'avais plus retouché à la drogue. alors tu te permettais de n plus être autant présente, sans pour autant complètement arrêter. ces réunions étaient plus qu'importantes pour toi, tu le savais. et puis, tu avais aussi décidé d'endosser le rôle de marraine pour certaines personnes. tu faisais de ton mieux pour les aider, pour les pousser à se sortir de tout ça, tout comme toi. tu étais parfaitement bien placée pour savoir à quel point ça pouvait être dur. tu te souviens des premiers temps, des nuits difficiles que tu passais. du manque qui se faisait de plus en plus ressentir. le temps que le corps se réhabitue. le temps que tout cela passe et que tu reprennes une vie presque normale. à la différence que tout cela te poursuivra toujours. parce que le moindre faux pas pourrait te faire flancher. tu ne pouvais baisser la garde. pas pour le moment. tu arrivais donc sur les lieux avec un petit peu d'avance sur les autres. tu observais les personnes qui arrivaient, tu lançais quelques sourires et tu discutais avec ceux que tu connaissais déjà. jusqu'à ce que tu entendes finalement, clara, c'est toi ? ton regard qui se tourne sur celui du jeune homme. tes sourcils qui se froncent quelques instants. il te confondait très clairement avec une autre. tu t'empressais de répondre, non, moi c'est bonnie. tu lances avec un large sourire tout en tendant ta main dans sa direction, et vous ? tu rajoutes ensuite afin d'en connaître un peu plus sur la personne qui se trouvait devant toi. de toute évidence le jeune homme te prenait pour une autre personne, mais il était ici pour les mêmes raisons que toi. alors autant faire sa connaissance.

la jeune femme se retourne et il revient tout de suite à la réalité. à la vue de ses sourcils qui se froncent, il comprend que ce n’est pas clara, mais elle lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. « désolé, je vous ai pris pour… ma femme. » il avait soudainement envie de pleurer. pourtant, il savait que ça ne pouvait pas être clara, puisqu’elle est morte. sa peine commençait à le rendre fou et et à lui faire imaginer des trucs. « vous lui ressemblez tellement. et vous avez le même parfum. » ou bien c’était le manque qui lui faisait avoir des hallucinations. le manque de clara et le manque de drogue. à l’époque, il lui arrivait souvent d’avoir des hallucinations quand il était en sevrage. il réalise que sa vie ne serait plus jamais la même. « moi, c’est owen. » il ne peut s’empêcher d’avoir de la déception dans la voix. il avait tellement espéré, même si au plus profond de lui il savait que c’était impossible que clara soit là en chair et en os. s’il continuait à croiser cette bonnie régulièrement aux réunions, au moins il aurait toujours le sentiment d’avoir la douce présence de clara auprès de lui. malgré tout, le sourire de bonnie lui faisait du bien. il serra la main qu’elle lui tendait avec vigueur. et là, parce que voir bonnie aujourd’hui l’avait chamboulé, il ressentit le besoin de se confier sur clara. de parler d’elle. plus il en parlait et plus il la ferait vivre à travers ses souvenirs. « elle consommait beaucoup. mais malheureusement, elle n’a pas eu de thérapie pour la sauver… » ça faisait du bien à owen de parler de clara à cette inconnue. si la jeune femme était ici, c’est parce qu’elle avait consommé à un moment ou un autre de sa vie. ça faisait un point en commun de plus entre clara et elle. et entre elle et owen. « qu’est-ce qui vous hante, vous ? » il savait que sa question était directe et intime, mais il avait envie de savoir. sans le savoir, cette femme avait réveillé quelque chose en lui. son côté tendre. ce côté qu'il tapissait dans l’ombre depuis le décès de sa femme. ce côté qu’il cachait d’une main de maître derrière un masque de froideur et de grincheux.

quand tu te retournes t'as ton regard qui se pose sur le sien. il te prend pour quelqu'un d'autre et tu ne manques pas de te présenter, avec le sourire bien évidemment. ce charmant jeune homme n'avait certainement pas bien regardé et il semblait confus lorsqu'il réalisait que tu n'étais pas la personne qu'il s'attendait à voir. désolé, je vous ai pris pour... ma femme. tu ne t'attendais certainement pas à ça, par contre. tu continues de le regarder, mais tu ne dis rien. pour le moment tu lui laissais tout le loisir de s'exprimer, la situation étant clairement particulière de toute évidence. vous lui ressemblez tellement. et vous avez le même parfum. tu ne connais bien sûr pas du tout sa femme, mais tu ne t'attendais pas à ce qu'on puisse te confondre de la sorte avec une personne aussi importante. surtout, tu avais le sentiment que quelque chose de particulier se cachait là-derrière, rien qu'à la façon dont cet homme t'observait. moi, c'est owen. il t'annonce finalement et tu commences par répondre, enchantée owen. poliment. alors que vous vous serriez la main tous les deux. tu le sentais plutôt chambouler par ce qui était entrain de se passer. de ton côté, tu ne parvenais pas très bien à comprendre ce qu'il y avait là-derrière. jusqu'à ce qu'il te dise, elle consommait beaucoup. mais malheureusement, elle n’a pas eu de thérapie pour la sauver… tu comprenais alors à ce moment-là que sa femme était en réalité décédée. tu ne pouvais donc que comprendre la confusion et le côté un peu étrange de la situation. oh je.. je suis vraiment désolée. ça fait longtemps ? tu le questionnes. imaginant à quel point tout cela devait être difficile pour lui. qu'est-ce que vous hante, vous ? tu hausses un peu les épaules et tu reportes ton attention sur lui pour répondre, mes parents... mon père est mort il y a de nombreuses années maintenant et ma mère il y a quelques semaines. tu te doutais que ce n'était pas la même chose que de perdre sa femme. mais c'était toujours difficile de perdre un proche, de toute façon.

sourire mélancolique. pensées tristes, mais qui font du bien à l'âme. d'un côté, mentionner clara le fait souffrir et lui rappelle le manque qu'il ressent, mais d'un autre côté, ça lui fait un certain bien. il esquisse un sourire maladroit, mais qui se veut confiant. au moins, au début, la jeune femme ne semblait pas trop troublée par le fait qu'owen l'aie désespérément prise pour sa défunte femme. bonnie semblait même plutôt compatissante face à sa situation. il avait espéré l'espace d'un instant que ses rêves deviennent réalité. mais quand il lui expliqua que sa femme était morte, l'air de bonnie changea et elle sembla soudain se sentir mal. owen sentit le besoin de la rassurer. "non, ne sois pas désolée. ce n'est pas grave du tout. c'est mon erreur." il marque une pause, réfléchissant à la deuxième question de bonnie. "ça fera bientôt six mois. mais on dirait que ça fait une éternité tellement elle me manque." il n'avait pas l'habitude de poser des questions aussi directes aux gens, mais dans cette situation précise, elle était sortie toute seule de sa bouche. peut-être que ce genre de réunion pour les consommateurs vulnérables avait pour but de faire cet effet aux gens... de les rendre plus sensibles et les poussant à s'ouvrir plus facilement aux autres. bonnie elle aussi s'ouvre un peu à lui en lui parlant du décès de ses parents. "je comprends ce que tu vis. peu importe l'âge et les circonstances, perdre un proche n'est jamais facile." il paraissait que verbaliser la mort d'un proche aidait à faire son deuil plus facilement. "je me considère chanceux d'avoir eu quelqu'un qui m'a poussé à me faire soigner au bon moment." sinon, il ne serait peut-être plus là lui non plus à l'heure qu'il est...

tu ne t'attendais certainement pas à ce que le jeune homme te parle de la mort de sa femme. visiblement, tu la lui rappelais un peu et tu ne savais pas si c'était vraiment une bonne chose ou non. tu pouvais parfaitement imaginer que ça ne devait pas être facile pour lui de voir une personne qui ressemble fortement à sa femme partie trop vite. tu étais clairement désolée pour lui, bien sûr. désolée d'apprendre en plus qu'elle n'avait pas eu la même chance que vous. de bénéficier d'une thérapie qui vous a permis de vous sortir de toute cette merde. tout le monde ne connaissait pas la même chance. vous aviez pu vous en sortir à temps, pas elle. ça faisait partie sans aucun doute des nombreuses injustices de la vie qu'il fallait accepter malgré tout. non, ne sois pas désolée. ce n'est pas grave du tout. c'est mon erreur. ça fera bientôt six mois. mais on dirait que ça fait une éternité tellement elle me manque. c'était encore récent. tu imaginais à quel point ça devait être douloureux. de ton côté tu avais perdu tes deux parents. bien trop vite. mais en soit, tu pouvais bien penser que la situation d'owen était encore pire. perdre ses parents faisait parti de la suite logique des choses. même si ça arrivait un peu tôt. perdre sa femme aussi jeune par contre, ce n'était clairement pas dans la suite logique des choses. j'imagine que ça doit être très difficile.. vous étiez mariés depuis longtemps ? tu demandes, curieuse d'en savoir plus au sujet de ce jeune homme. tu lui parles de la mort de tes parents. avec facilité. comme si c'était une personne de confiance alors qu'en vérité tu ne le connais même pas. je comprends ce que tu vis. peu importe l'âge et les circonstances, perdre un proche n'est jamais facile. je me considère chanceux d'avoir eu quelqu'un qui m'a poussé à me faire soigner au bon moment. tu hoches doucement la tête. effectivement, vous étiez chanceux, autant l'un que l'autre. oui, effectivement, nous avons eu de la chance. à nous d'en profiter au maximum à présent. tu lances avec un petit sourire en coin.

on pourrait penser qu’avoir à côtoyer une femme aussi identique à clara sur plusieurs points pourrait faire du mal à owen, mais ce n’était pas le cas pour le moment. au contraire, ça lui faisait le plus grand bien en cette période trouble. d’ailleurs, c’est peut-être ce qui l’avait incité à se confier autant à elle. mais, il souhaitait tout de même que le temps soit aussi réparateur que les thérapeutes le prétendaient. Il avait assez souffert comme ça.
owen comprend rapidement que bonnie aussi a perdu des êtres chers. il est empathique à sa situation. il sait ce qu’elle a vécu, sait se mettre à sa place. ça remontait à plus longtemps du côté de bonnie, par contre. peut-être qu’il pourrait prendre exemple sur elle pour réussir à faire son deuil… « cela faisait onze ans que nous étions mariés, mais en réalité je l’aime depuis beaucoup plus longtemps. c’est mon amour depuis l’adolescence, en fait. elle était en couple à l’époque, mais je l’ai attendue le temps qu’il fallait. je savais que c’était la bonne, tu comprends ? mais je ne te cache pas que j’aurais aimé avoir plus de temps à ses côtés. » il prend une longue inspiration après son cours monologue. parler de clara est tellement facile et naturel qu’il pourrait le faire pendant des heures. en ce moment, c’était la nostalgie qui parlait à sa place. la phrase suivante de bonnie amène owen à réfléchir. c’est vrai qu’ils avaient la chance d’être en vie, il devait en profiter pleinement. le jeune martel devait arrêter de s’apitoyer sur son sort et croquer dans la vie à pleines dents. « tu as raison. je pense que je m’isole trop depuis son décès. je devrais recommencer à faire des choses que j’aime… » au moins, les rencontres des narcotiques anonymes lui permettaient de sortir un peu de son isolement. dans un même ordre d’idées, owen était curieux d’explorer comment bonnie avait vécu son processus vers la guérison ou vers un éventuel mieux-être. « qu’est-ce qui t’aide à aller de l’avant ? à laisser ton passé de consommation derrière toi ? »