la journée avait été relativement mouvementée au travail. tu avais enchaîné pas mal de dossiers et tu étais plutôt satisfait du résultat quand tu partais en fin de journée de ton bureau. tu constatais en tout cas que les nombreuses piles que tu avais encore ce matin avaient bien diminué et que cela te permettait de quitter ton bureau plutôt sereinement. il était 17h30 seulement. c'était même rare que tu parviennes à quitter le travail aussi rapidement. tu allais pouvoir aller chercher le petit jake un peu plus vite que d'habitude, ce qui te réjouissait très clairement. tu avais enfilé rapidement ta veste et tu descendais jusqu'à l'entrée de l'immeuble pour rentrer chez toi. dans les couloirs, tu croisais quelques collègues que tu saluais rapidement avec un sourire en coin. ils semblaient tous étonnés de te voir quitter les lieux aussi rapidement. c'est vrai que ça ne te ressemblait pas, mais ça te faisait du bien. tu t'apprêtais à quitter l'immeuble quand tu tombes nez à nez avec une autre connaissance. izzie. tu t'arrêtes alors qu'elle plante son regard sur le tien. tu ne sais pas exactement ce qu'elle venait faire ici, mais tu te doutais que c'était certainement toi qu'elle s'attendait à voir. tu la regardes avec un sourire un peu gêné. la situation était relativement tendue entre vous deux après que tu te sois occupé du dossier de sa soeur. bonjour. tu te contentes de lancer en essayant de rester poli. tu espérais pouvoir éviter toute discussion avec elle, mais tu savais qu'elle ne manquait pas de te remonter les bretelles quand elle te voyait à cause de toute cette histoire. pourtant, tu restes persuadé que tu n'y pouvais rien. t'avais fait de ton mieux pour aider sa soeur et c'était évidemment malheureux que celle-ci ait fini par faire une overdose, mais elle ne pouvait t'en tenir responsable non plus.

en tant qu'assistante du procureur, tu t'évites la chose dont tu aurais été bien incapable si tu avais simplement été avocate: défendre des clients coupables. autant tu es prête à voir quelques nuances de gris quand il s'agit de faire sauter une amende pour excès de vitesse d'un papy qui menait sa femme inconsciente à l'hôpital, autant l'idée de devoir aider le coupable d'un crime plus sérieux à s'en sortir te paraît inconcevable. t'as l'avantage d'avoir toujours le beau rôle - ou du moins c'est comme cela que tu perçois ta position - puisque tu te bats pour envoyer les criminels en prison. donc forcément, dans la majorité des cas, l'avocat de la défense représente une sorte d'ennemi qu'il t'es essentiel de vaincre pour obtenir un sentiment de justice. bien sûr que l'animosité que tu ressens envers tes adversaires se limite à la salle d'audience et que tu es bien capable de faire la différence entre l'avocat auquel tu as affaire pendant un procès bien précis et la véritable identité de cette personne. d'ailleurs tes relations avec la majorité des avocats de la ville sont bonnes à quelques exceptions près. celui avec qui tes conversation en dehors des procès se limitent généralement à des échanges minimaux et à peine cordiaux c'est l'un des hommes que tu tiens responsable du décès de ta soeur puisqu'il l'a aidée à éviter la prison. malheureusement tu n'as pas d'autre choix que de discuter avec lui lorsque des affaires vous concernent tous les deux. bonjour. tu lui dis quand il te salue dans les corridors. il sait que tu es loin d'être l'une de ses fans et il ne cherche heureusement pas à te faire plus la conversation. sauf que toi, t'as bien envie de lui rappeler que tu lui tiens encore rigueur de cette erreur. je viens vous transmettre une offre pour votre client.. encore un criminel que vous essayer de laisser libre et qui mourra peut-être à cause de cette décision.

tu ne pouvais pas vraiment le nier, tu aurais clairement préféré ne pas tomber sur izzie aujourd'hui. en fait, tu espères toujours ne pas tomber sur elle, peu importe le jour. parce qu'izzie t'en veut. elle te tient pour responsable de la mort de sa soeur. de ton côté, tu trouvais cela plutôt injuste. dans les faits, tu avais permis à sa soeur d'éviter de faire de la prison, ce qui était selon toi un très bon point. mais selon elle, si sa soeur était partie en prison, elle serait toujours de ce monde aujourd'hui. derrière des barreaux, certes, mais toujours en vie en tout cas. toi, tu crois que dans tous les cas tu étais dans une mauvaise posture. si sa soeur n'avait pas remporté son procès, tu ne doutes pas un seul instant qu'izzie t'en aurait également tenu rigueur. mais il est vrai que ça aurait bien moins grave si elle était en prison plutôt que morte. enfin, dans tous les cas les entrevues avec la demoiselle n'était jamais très agréable pour toi. tu tentais quand même de sourire, un minimum. tu plongeais ton regard dans le sien alors qu'elle te lançait, bonjour. je viens vous transmettre une offre pour votre client.. encore un criminel que vous essayer de laisser libre et qui mourra peut-être à cause de cette décision. elle ne ratait évidemment jamais une occasion pour te rappeler les faits. elle ne ratait jamais une seule petite pique pour te rappeler que tout cela était de ta faute. izzie.. je me suis déjà excusé une bonne centaine de fois pour tout ça. bien sûr que je suis navré pour votre soeur, mais je n'ai fait que mon travail. t'étais clairement doué pour défendre tes clients dans toutes les situations. mais lorsqu'il s'agissait de te défendre toi-même, tu étais plus que médiocre. surtout face à izzie.

évidemment que c'est irrationnel de tenir maître dubois responsable du décès de ta soeur et ce pour de très nombreuses raison. déjà rien ne peut te garantir qu'elle n'aurait pas trouvé un moyen de faire une overdose ne prison. en plus, comment est-ce que qui que ce soit aurait pu prédire qu'elle déciderait de fêter sa libération avec une dose d'héroïne ? si tu prends bien le temps de te poser et d'y penser, tu sais bien que ton attitude avec lui est peu maline. sauf que, dès que ça concerne ta soeur, tu est bien incapable d'être le moindrement posée et réfléchie, donc, chaque fois que tu le croises, tu sens la moutarde te monter au nez et tu gères tes émotions en faisant ressortir de la rancune. l'alternative te semble bien pire qu'un conflit ridicule avec un homme que tu ne côtoies que peu, puisque si tu ne te montrais pas mesquine tu fondrais certainement en larmes ce qui te semble une réaction encore moins opportune. après ta petite pique gratuite à son intention que tu lui offres aussi généreusement que les nombreux cadeaux de noël que tu places sous ton sapin chaque année dès l'arrivée de décembre, il te fait part de son désaccord sans grande conviction. décidant que cela n'en vaut même pas la peine, tu te retiens de souligner minablement la piètre qualité de son argumentation. avec de tels efforts, il ne serait même pas si surprenant que tu décides un jour de prendre comme résolution de nouvel-an de ne plus aborder ce sujet en sa présence, mais tu y crois à peu près autant qu'au père noël. vous m'excuserez si ma famille et moi n'apprécions que moyennement que vous ayez fait disparaître les preuves contre ma soeur comme par magie avec vos talents de professionnel. tu regrettes d'avoir abordé le sujet puisque le coeur n'est plus dans tes reproches et tu sens ta lèvre trembler à peine ces derniers mots prononcés, ce que ton interlocuteur va immanquablement voir. d'habitude tu arrives à contenir ton chagrin pendant l'année et tu ne te lâches qu'à la période des fêtes quand la moindre boule de noël ou guirlande te rappelle l'absence si marquante de ta soeur qui appréciait tant ces décorations, tout comme regarder les lumières clignoter dans la nuit noire.

sans doute que tu perdais ton temps. c'était évident que de son côté, izzie ne changerait pas d'avis. elle continuera à te tenir pour responsable de tout ce qu'il s'est passé. alors que tu sais parfaitement, tout comme elle, que dans le fond tu ne pouvais prévoir la suite. tu ne pouvais savoir. effectivement, elle serait sans doute encore en vie si tu avais fait un sorte de la laisser partir en prison. mais tu ne pouvais plus revenir en arrière de toute façon. tu ne sais plus combien de fois tu as pu t'excuser auprès de la demoiselle. sans pour autant que ça n'apporte quoi que ce soit de bon. bien au contraire, tu as parfois même le sentiment que tu empires ton cas à chaque discussion que tu peux avoir avec elle. tu devrais donc laisser tomber, c'est vrai. mais tu n'y arrives pas vraiment. parce que d'une certaine manière tu voudrais qu'elle puisse te pardonner tout cela. t'as besoin qu'elle puisse te pardonner. t'as jamais rien voulu de tout ça, c'est une évidence. vous m'excuserez si ma famille et moi n'apprécions que moyennement que vous ayez fait disparaître les preuves contre ma soeur comme par magie avec vos talents de professionnel. tu poses ton regard sur le sien, tu t'apprêtes à répondre quand tu remarques sa lèvre qui tremble légèrement. tu comprends à cet instant qu'elle est sur le point de fondre en larmes devant toi. t'es pas certain d'être prêt pour ça. tu l'observes et puis tu réfléchis pas. ta main vient se poser doucement sur son épaule, au risque de te prendre un rejet monumental et tu souffles doucement, je comprends que ce soit difficile.. et croyez-moi, si je pouvais faire quelque chose pour changer tout ça.. je.. t'es pas doué du tout, c'est une évidence. tu ne sais pas comment t'y prendre, t'as jamais su y faire pour ce genre de choses de toute façon. c'est pas aujourd'hui que tu vas mieux t'en sortir.

tu ne sais pas si ce sont toutes ces années à concentrer ta rage contre quelqu'un plutôt que de reconnaître que ta soeur était la principale responsable de son addiction et que la seule autre personne qui puisse être blâmée est son dealer, mais tu es à bout. ça fait longtemps que tu aurais du prendre comme résolution pour la nouvelle année de t'offrir un nouveau départ. au fond, si tu es comme ça de glace avec aaron dubois, c'est parce que tu peines à digérer ce sentiment de culpabilité qui t'envahit quand tu penses à ta soeur. quand la main de cette homme avec qui tu te montres si froide depuis toujours se pose sur ton épaule et qu'il se montre aussi bienveillant, tu te sens fondre comme neige au soleil et les larmes s'écoulent sur tes joues tandis que tu laisses un blanc s'installer dans la conversation. incapable de te reprendre, tu restes plantée au beau milieu du couloir, espérant simplement que maître dubois restera le seul témoin de ce moment affligeant que tu n'as pas la force mentale pour interrompre. déjà que tu n'oseras certainement plus le regarder en face, tu aimerais bien que ses collègues ne te voient pas ainsi. le pauvre avocat ne doit pas tout comprendre à ce qui lui arrive et tu cherches à t'excuser pour ton comportement du moment et pour le malaise que tu lui causes certainement, mais chaque fois que tu ouvres la bouche pour parler, les sons refusent de sortir et les sanglots reprennent de plus belle. tu n'es pas plus capable d'articuler un mot que de retenir un peu tes larmes. si tu étais un peu plus calme, tu admirerais sans doute son empathie envers quelqu'un qui est aussi régulièrement odieux envers lui.

t'es pas très doué dans les relations humaines, c'est un fait indéniable. même si certains événements de ta vie récente t'ont appris à t'ouvrir un peu plus au monde, tu as toujours de la peine avec le contact humain. pourtant, tu tentes de faire des efforts. du mieux que tu le peux, tu essayes de te montrer sympathique avec les autres. mais avec izzie, c'était compliqué. elle te détestait. au plus haut point. pour une raison bien particulière et tu estimais de ton côté ne pas pouvoir faire grand chose pour remédier à tout ça. tu ne comptes plus le nombre de fois où t'as essayé de t'excuser auprès d'elle, en vain. tu ne crois pas que ça serve encore à quelque chose aujourd'hui. tu t'attendais à ce que cette discussion se termine de la même manière qu'elles se terminent à chaque fois : izzie qui s'en va, fâchée contre toi, encore plus qu'elle ne l'était avant votre discussion. à chaque fois, ça s'empirait. parce que tu ne savais pas trouver les mots qu'il fallait. mais aujourd'hui, la réaction est tout autre. aujourd'hui, tu en perds encore plus tes moyens alors que les larmes perlent au coin des yeux de la jolie demoiselle. maladroitement, tu poses une main sur son épaule, tu tentes de la réconforter, au mieux. mais tu ne sais pas t'y prendre. elle te regarde, elle semble vouloir dire quelque chose, mais fond en larmes à chaque tentative. et toi tu ne sais plus quoi faire. tu regardes autour de toi, le couloir est encore désert, mais quelqu'un pourrait bien passer ici dans pas longtemps et tu ne sais pas comment cette scène serait interprétée. elle attend du réconfort, n'est-ce pas ? qu'est-ce que tu dois faire exactement, la prendre dans tes bras ? ta main se trouve toujours sur son épaule et ton regard se pose dans ses yeux. et si on sortait d'ici ? je crois que vous avez besoin de prendre l'air et je peux peut-être vous offrir un café ? t'as sans doute du travail à faire, elle aussi. mais honnêtement, elle sera sans doute bien incapable de travailler dans un état pareil, non ?