The midnight sky is the road I'm takin'
Head high up in the clouds

la nuit était déjà bien avancée. le froid se faisait plus présent et plus pressant, alors que tu t'emmitouflais dans un manteau long de couleur caramel. les yeux rivés sur le bar, tu fumais une dernière cigarette, pensif. tu avais quitté la ville quelques jours pour le moyen-orient, afin de sceller un contrat important pour ton business. n'ayant pas eu le temps de voir juliet avant ton départ, tu lui avais promis de venir la voir dès ton retour. tu avais touché le sol canadien il y a quelques heures seulement, le temps de retourner à l'entrepôt, notifier à ton père que tout s'était parfaitement déroulé, et t'être changé chez toi. puis ton réflexe suivant a été d'aller au rendez-vous, attendant gentiment la fermeture de ce dernier pour avoir l'intimité que tu recherchais avec juliet. depuis quelques temps, tu la sentais distante. et ce voyage obligé sur un autre continent n'était pas venu au bon moment pour prendre les choses en main. "aïe." trop pensif, la cigarette s'était consumée et la fin de celle-ci t'avait brûlé. tu lâchais le mégot, qui tomba au sol. voyant un des employés de juliet sortir -et vu l'heure, sûrement le denier avant qu'elle fasse la fermeture- tu te précipitais à l'intérieur, toquant à la porte comme si tu entrais chez elle. c'était un peu le cas. c'était son bar, son commerce chéri. "bonsoir." refermant la porte derrière toi, tu avançais de quelques pars jusqu'à voir enfin le visage de la belle brune. ses traits montraient une certaine fatigue. tu ne savais pas bien qu'elle heure il était. "je sais qu'il est tard mais ... je t'avais promis de venir te voir dès mon retour." tu souriais, malgré ta propre fatigue, arrivant à sa hauteur pour finalement déposé un baiser sur ses lèvres. tu ressentais presque une certaine joie à la revoir.

la soirée avait été plutôt mouvementée. tu ne pouvais pas te plaindre, ces derniers temps ton bar semblait parfaitement bien fonctionner et tu espérais bien sûr que les choses continuent sur cette voie-là. si tu avais su que ça fonctionnerait aussi bien tu aurais sans doute écouter ange à l'époque. t'avais attendu sa prétendue mort pour finalement te lancer, mais cela pourrait faire bien deux ou trois années de plus que ton bar serait ouvert si seulement tu l'avais écouté. enfin, tu ne regrettais rien. le résultat était là aujourd'hui et c'était le plus important. et puis, depuis, tu avais appris qu'ange était en réalité en vie. ce n'était pas pour autant que tu n'avais pas laissé derrière le bar un hommage pour lui. parce que si toi tu sais qu'il est toujours en vie, le reste de la ville de trois-rivières n'en avait pas la moindre idée. il fallait donc que tu continues de faire semblant. ce qui était parfois bien compliqué. mais ce n'était certainement pas le pire dans l'histoire. non le plus compliqué, c'était de gérer la situation avec la personne qui n'allait pas tarder à pénétrer dans ton bar. c'était l'heure de fermeture, tu venais de laisser bastian rentrer chez lui et tu rangeais quelques petites choses, prête à partir ensuite quand tu entends frapper. il avance dans ta direction, sin. t'avais tenté de l'éviter ces derniers temps. alors que d'ordinaire tu ne pouvais attendre avant de le revoir, aujourd'hui tu faisais de ton mieux pour ne pas croiser son chemin. ange t'avait annoncé quelque chose au sujet de la famille lebowski. tu ne possédais cependant encore aucun détail aujourd'hui qui te permettait de savoir à quel point sin était impliqué dans tout ça et si tu devais vraiment le considérer comme un ennemi. ange t'avait demandé de ne pas changer ton comportement avec lui, pour ne pas éveiller de soupçons. mais c'était une tâche relativement compliquée. ton regard se pose sur le sien. tu sentais ton coeur qui ratait un battement en même temps qu'une boule au creux de ton ventre. partagée entre les sentiments qui se sont développés pour lui et les informations fournies par ton frère revenu d'entre les morts. bonsoir. je sais qu'il est tard mais ... je t'avais promis de venir te voir dès mon retour. il s'approche encore de toi et viens déposer un baiser sur tes lèvres. un baiser qui mine de rien fait son petit effet. les joues roses tu le regardes droit dans les yeux et un mince sourire s'étire sur tes lèvres. tu n'as pas attendu une minute à ce que je vois. tu souffles avec un petit rire. je suis contente de te voir, tout s'est bien passé ? tu demandes gentiment.

tu ne t'étais jamais senti à l'aise dans ce bar. sachant qu'il était destiné aux corps de métier que tu tentais d'éviter plus que tout, tu n'y passais que rarement. malgré ton attitude concentrée et confiante, une paranoïa extrême ne cessait de briller en toi. incapable d'aller à un endroit public en toute confiance, sans te sentir espionné ou inspecter des regards que tu trouvais étrange. il n'y avait qu'au casino, chez toi, et l'entrepôt où le business des armes se passait, que tu te sentais plus à l'aise. avec le temps, tu avais appris à le cacher, à faire croire au monde entier que tu le dominais, même si c'était bien l'inverse. ce soir pourtant, dès ton retour sur les terres canadiennes, tu savais qu'il fallait faire face et aller au bar. depuis quelques temps, juliet répondait que rarement à tes messages, ne relançait plus la conversation et ne te proposait pas se retrouver, juste vous deux. si la logique voulait qu'en tant que propriétaire d'un bar à succès, elle manque de temps, c'est une nouvelle fois ton amie la paranoïa qui avait vaincu. "je ne voulais pas perdre une minute." tu soulignais, sans la lâcher du regard, alors que tu voyais une couleur rosée se dessinait sur ses joues. un court instant, tu n'avais plus peur. tu t'étais monté la tête plus qu'il ne le fallait. et pourtant, le doute ne cessait de planer, de faire son chemin, entre elle et toi. "très bien oui, du business pas très intéressant, tu connais ça." content d'être que vous deux, de pouvoir savourer le calme de l'instant présent. le rendez-vous te semblait plus vivable dans ces conditions. "et toi, comment ça va ? tu finis souvent tard ces derniers temps, non ? j'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne t'aie pas vu." tu ne voulais pas tourner autour du pot trop longtemps, sachant que les faux semblants feraient fuir la jeune femme -ceux dont elle pouvait se rendre compe, tout du moins- et que ça n'aiderait pas cette relation que tu te devais de bâtir. et aussi, parce que la sentir s'éloigner, ne serait-ce qu'un peu, t'agacer étrangement.

tu ne pensais pas que ce serait si compliqué de te retrouver face à sin. tu savais pourtant que tu ne pouvais repousser indéfiniment ce moment. ange ne voulait pas que tu éveilles des soupçons et il était certain que sin allait se poser des questions si tu continuais de l'éviter de cette façon-là. tu réalisais, alors que ton regard se posait sur le sien, que tu ne parvenais pas totalement à en vouloir au jeune homme. sans doute parce que tu ne savais pour l'heure pas exactement pourquoi tu devrais lui en vouloir, mais aussi parce que tu sentais que ton coeur s'emballait. tu sentais que ton coeur voulait de lui à tes côtés. et tu ne pouvais te battre contre ça, n'est-ce pas ? quand ses lèvres viennent se poser sur les tiennes, ça ne fait que te confirmer encore plus ce que tu ressens à l'intérieur de toi. ange ne pourra jamais le comprendre ça.. t'aimes pas cette situation. t'aimes pas le fait de ne toujours pas avoir la moindre information sur tout ça, aussi. tu dois revoir ton frère tout bientôt pour cela. mais le temps semble passer au ralentis. je ne voulais pas perdre une minute. t'as un nouveau petit sourire qui se dessine au coin de tes lèvres. il sait trouver les mots, en plus. mais est-ce que ce n'est que du baratin ? qu'est-ce qu'il ressent lui exactement ? très bien oui, du business pas très intéressant, tu connais ça. tu hoches doucement la tête. tu n'oses pas poser plus de questions sur le sujet. de toute façon, il ne dirait pas la vérité, alors à quoi bon ? et toi, comment ça va ? tu finis souvent tard ces derniers temps, non ? j'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne t'aie pas vu. forcément, il avait déjà remarqué que tu t'éloignais. il avait déjà remarqué que vos rencontres s'étaient espacées ces derniers temps. c'était évident qu'il allait le voir alors qu'avant tu ne pouvais laisser passer trop de jours sans le voir. ça va, j'ai effectivement eu pas mal de travail ces derniers temps et j'ai fini plus tard. mais ça devrait se calmer et j'aurais tout le temps qu'il faut rien que pour toi. tu affirmes avec un large sourire.

tu n'arrives pas à capter ce que son regard signifie. toi, qui d'habitude arrive facilement à comprendre les autres, et surtout ce qu'ils ne veulent pas dire, tu n'arrives à rien. tu y vois de la douceur. mais est-ce que tu le vois vraiment, ou est-ce que c'est ce que tu veux voir ? que pour juliet, tout va bien. que pour elle, rien n'a changé entre vous, rien n'a changé te concernant. tu veux continuer à voir ce regard empli de désir, de compassion, de cette lueur vertueuse que tu n'as jamais vu chez toi. mais là, tu ne lis rien. t'es perdu entre tes doutes et la réalité. t'as du mal à discerner le vrai du faux. merde. t'es pas censé être dans cette situation, dans cette perte de contrôle. surtout sachant que juliet n'a pas le dessus, loin de là. ou alors ?

elle sourit, cligne des yeux, t'écoute. plus muette que d'habitude, tu es sur tes gardes. elle te confirme qu'elle a eu beaucoup de travail. peut-être que tu surréagis ? après tout, juliet est propriétaire, s'occupe de tout toute seule. vous n'êtes pas du même univers, tous les deux. elle a dû se battre plus que toi pour avoir ce qu'elle voulait, y compris pour le garder. toi non. le temps d'un instant, t'essaies autant que possible de se mettre à sa place, de comprendre tous les rôles qu'elle joue. tu l'admires beaucoup. pour ça, et pour tellement d'autres choses. "je suis heureux d'apprendre ça." tu souris, caressant sa joue. tu tentes de te rassurer un peu, de la croire. tu le verrais sûrement, s'il y avait un changement radical en elle. si elle savait quoique ce soit. si un jour, elle devrait en apprendre trop sur toi, elle n'aurait pas ce sourire, cette attitude. "je voulais te proposer un truc." tu commences par dire, passant la main dans tes cheveux. "ne te sens pas obligée, surtout, mais je me demandais si tu voulais rencontrer mes soeurs, bientôt ?" l'idée qui percute son cerveau, et que tu sors, sans réfléchir. c'est une proposition que n'importe quelle personne dans ta situation proposerait, non, de rencontrer sa famille ? "je leur ai un peu parlé de toi, et je me disais que tu pouvez bien t'entendre avec." faux. si valentina sait que tu fréquentes quelqu'un sous la demande explicite de votre père, elle n'en sait pas plus. et tu n'as parlé de rien à fanny, qui est bien trop omnibulée à te faire la leçon sur ton mode de vie. ce n'est d'ailleurs pas vers elle que tu te tourneras pour un dîner, de peur qu'elle laisse échapper des infos à juliet. tu souris à la belle brune, essayant de capter un sentiment, une réaction. essayant de savoir si cette proposition lui fera comprendre que tu tiens à cette relation. en apparence du moins.